L’équipe Fleury est un groupe de jeunes de Magis Paris qui se réunit une fois par mois pour aller à la rencontre des personnes détenues à la prison de Fleury-Mérogis et célébrer la messe avec eux. Pour les participants, ces rencontres sont l’occasion d’un déplacement, d’un changement de point de vue, … Témoignages au fil de l’année !

 

Témoignage – Première messe en prison de l’année, à partir du texte d’Evangile du jour 

« Tous ceux que vous trouverez, invitez-les à la noce » (Mt 22, 1-14)

« C’est difficile de porter le vêtement pour la Noce. D’être présent tous les jours à cette proposition d’amour. Avoir la foi c’est faire la fête, mettre son plus bel habit. Profiter de la Vie, se réjouir avec Lui. A Fleury on expérimente ce qu’est une foi vivante.

Il faut voir ces regards francs et rieurs,  cet éclat dans les yeux quand on partage la Parole de Dieu. Il faut entendre lesdits détenus proclamer la Parole sans retenue. Il faut voir le gardien une fleur à la main. Avec ferveur battre des mains sur l’Alléluia, reprendre en chœur le refrain. Serrer la main de tous sans exception et comprendre le sens de la communion. On s’est levé très tôt, on a pris le RER C, et progressivement nos yeux se sont ouverts sur une vie pleine et entière. »

 

Témoignage d’Apolline : 

« Il y a des endroits auxquels on ne s’habitue pas. Avec ses cages successives, cette odeur d’enfermement, ses cris lointains et les regards des chats errants qui me traquent, la prison en fait définitivement partie. Chaque fois, ce lieu me renverse, et je pense que cela ne tient pas tant à l’animosité des blocs de béton qu’aux contradictions profondes qu’ils contiennent. 

Le mystère le plus profond tient à leurs habitants. A la tristesse dans leurs regards et l’espérance de leurs paroles ; à la rudesse de leurs mains et la douceur de leurs gestes. J’ai du mal à prier chaque jour, et eux sacrifient leur seul rayon de soleil pour s’enfermer avec nous. 

La messe commence et ma joie s’affermit. Je ferme les yeux et savoure la présence de mes frères à mes côtés. En dehors de ce petit cercle autour de Christ, je pense que chacun d’eux me ferait peur. Pourtant ici et maintenant, quelle joie de former un seul et même corps ! 

Si les grilles successives nous dépouillent de beaucoup de matériel, j’y traîne tout de même mon orgueil. Or ces hommes m’en libèrent avec douceur, éclairant pour moi les visages de la foi et la compassion. Je suis touchée par les échanges de regards et les mains qui se lient au moment de la paix du Christ. La force des sourires semble éclairer la pièce d’une lumière nouvelle; radieuse et chaude. Lors de la prière universelle, une voix s’élève avec émotion. Elle confie l’état du monde et les guerres sordides. Alors que mon coeur étroit confiait d’abord mes proches, il porte dans le sien l’humanité entière. 

Mais la vraie leçon d’humilité, ils me la livrent au moment des lectures. Ils voient dans l’évangile une nourriture et une promesse. Les mots portent pour eux une véritable certitude, une espérance sans cesse renouvelée. C’est cela, croire en la miséricorde de Dieu. Ils répètent certaines phrases presque avec délice, et les paroles de Dieu sont reprises en écho dans plusieurs langues, plongeant dans les cœurs et remuant les entrailles.  

Je ne pense pas les idéaliser non plus; à la fin de la messe, un détenu me fait l’apologie de l’escroquerie pour s’enrichir et de la violence pour servir ses fins. 

Ils restent un grand mystère, mais je leur suis profondément reconnaissante de me montrer la voie de l’espérance, de la foi et de l’humilité à chaque messe que je passe à leurs côtés. »

 

Témoignage de Laetitia – Partage de la lumière de Bethléem le 17 décembre 2023

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Une impérieuse nécessité de s’abandonner s’est imposée à moi avant de vivre cette expérience pour la première fois et au moment de franchir les premières grilles. Que ce soit la veille de ma venue à Fleury-Merogis, parce-que je ne savais pas à quoi m’attendre, que je n’étais pas sûre d’arriver à embellir la journée des prisonniers et que l’inconnu effraie ou lors de mon arrivée sur place, parce que l’on devient dépendant d’une autorité que l’on ne connait pas (franchissement des grilles, réflexion de l’administration sur la possibilité d’emporter des bougies ou du vin de messe, attente à l’intérieur tant que les portes sont ouvertes…) dans un lieu qui nous est, lui aussi, inconnu. Les termes sont nouveaux : « Bons de cantine », « Vaguemestre », « cour de promenade »… et l’importance de veiller à faire preuve de respect et de considération envers le personnel, sans qui nous ne pourrions être là, est notable. Grilles franchies, nous évoluons dans les escaliers et couloirs nous menant à la salle dans laquelle est célébrée la messe. Nous apercevons les murs des cellules percés de petites fenêtres recouvertes de grilles. Ils sont égayés par quelques rares touches de couleur qui contrastent avec la sobriété des lieux.

Une fois les prisonniers arrivés, ils nous serrent tous la main. Le Père Alban leur propose de prendre une bougie (lumière de Bethléem) et de la déposer sur l’autel, de l’offrir au seigneur parce qu’ils ne pourront pas la ramener dans leur cellule. Ces bougies colorées sur l’autel nous rappellent que le Christ est présent dans nos vies et que sa lumière se manifeste, où que nous soyons. J’ai été frappée par l’importance pour eux, peut-être aussi pour retrouver une dignité d’homme, d’agir par eux-mêmes (aller allumer une bougie et la déposer sur l’autel, participer à l’installation de la crèche ou d’un micro, lire une lecture, jouer d’un instrument, déposer une intention).

L’humanité et la profondeur de ces prisonniers désarçonnent (l’un lit la bible, l’autre est allé à
Lourdes plusieurs fois, l’un est déstabilisé parce qu’on lui a conseillé de se faire de nouveau baptiser lors d’une cérémonie œcuménique alors qu’il avait déjà été baptisé et demande conseil au prêtre, l’autre demande au père s’il est possible de faire un parallèle entre la circoncision et le baptême). Le fait que les lectures soient lues en plusieurs langues, que les temps de partage sur les textes se fassent simplement, sans jugement et sans fioriture et qu’un signe de paix puisse être partagé entre tous permettent de créer une atmosphère de tolérance, de bienveillance et de respect.

Les échanges avec les prisonniers à l’issue de la messe sont poignants. Nous sommes remerciés pour notre présence, notre écoute et nos sourires. Ils nous demandent quand nous reviendrons. L’un d’eux évoquait la violence passive des gardiens à laquelle ils étaient parfois confrontés en expliquant qu’il ne souhaitait pas leur en vouloir parce qu’ils avaient sans doute des conditions de travail qui n’étaient pas simples et qu’ils manquaient de formation. Il n’est pas toujours facile au quotidien d’être empathiques envers les personnes qui nous ont fait ou nous font souffrir et la réflexion de ce prisonnier, cet exemple d’amour de son prochain, m’a particulièrement touché.

 

Témoignage de Maxime – Jour de Noël

« Si un jour, il m’avait été prédit que je fêterai Noël en prison, j’aurais été pris d’effroi or j’en suis sorti comblé de joie. Notre groupe d’animation de la messe s’est réuni ce lundi 25 décembre à la Maison d’arrêt de Fleury-Merogis. Nous avons accueilli chacun des participants par une poignée de main franche. Puis, notre aumônier, le père Alban, a présidé la célébration. Nous en oublions le décor. Le point d’orgue sera, sans conteste, la paix du Christ. À la suite de la cérémonie, nous avons partagé un pot avec les détenus, l’occasion d’avoir un échange sincère. Abraham Lincoln disait dans son discours d’investiture «  Nous ne sommes pas ennemis mais amis. Nous ne devons pas être ennemis. Même si la passion nous déchire, elle ne doit pas briser l’affection qui nous lie. Les cordes sensibles de la mémoire vibreront dès qu’on les touchera, elles résonneront au contact de ce qu’il y a de meilleur en nous. »

Pour rejoindre ce groupe, poser tes questions, … tu peux joindre l’équipe Fleury via cet email : magis.fleury@gmail.com