Belle fête de Pâques à tous !

Vous pouvez retrouver ci-dessous le message du Provincial de la Compagnie de Jésus, P. François Boëdec sj.

 

“Pâques des démunis” par le P. François Boëdec sj

Nous n’oublierons pas cette montée vers Pâques. Depuis un certain temps déjà, nous étions éprouvés par toutes sortes de choses : la parole chrétienne avait du mal à être reçue comme une « bonne nouvelle » pertinente par tant de nos concitoyens peu intéressés par une Église qui leur était devenue bien souvent étrangère et lointaine. Le scandale des abus avait enfoncé le clou du discrédit ambiant. Et puis, dans un climat social toujours tendu, est arrivé ce virus qui nous a fait partager avec tous le fléau d’une pandémie que l’on croyait d’un autre âge, mettant à mal notre système de soin, impactant profondément notre économie, bouleversant notre rapport au travail, modifiant nos quotidiens, empêchant les croyants de se retrouver pour prier et célébrer ensemble… Et nous touchant au cœur lors des départs successifs de nombreux jésuites, parents ou amis, sans pouvoir toujours les accompagner de la manière que nous aurions souhaitée. (…)

Durant ces semaines si particulières que nous traversons, il nous faut plus que jamais vivre avec nous-mêmes, revêtant avec difficulté une nouvelle identité, – comme un costume qui ne nous va pas complètement et qui sent le renfermé –, celle de « confinés ». Des jours particuliers où toutes les distractions possibles, tous les écrans fébriles, n’ont pas réussi à détourner durablement notre regard de ce qui fait notre existence, son sens, ses limites, ses joies, et de la vie du monde. Des jours de grande relecture où se mêlent en nous tant de sentiments parfois contradictoires, sollicités dans nos capacités de sagesse et de distance face à des discours simplistes, nous demandant comment sortir de soi en restant chez soi, nous faisant vibrer aux émotions du monde, des plus isolés et fragiles, recevant, de manière plus tranchante encore, la détermination de saint Ignace de Loyola à ne pas vouloir « davantage la santé que la maladie, la richesse que la pauvreté, l’honneur que le déshonneur, une vie plus longue qu’une vie plus courte et ainsi de suite pour tout le reste » (Exercices spirituels – Principe et Fondement).

Et nous voici aux portes de Pâques. Démunis. Démunis devant ce qui nous est arrivé. Étonnés de devoir changer brusquement le rythme souvent chargé de nos vies, ramenés au moment présent sans possibilité de prévoir, d’envisager la suite, de mettre de nouvelles dates sur l’agenda. Conduits à vivre l’instant, redoutable d’incertitudes ou de lassitudes, jour après jour, – même si nous ne sommes pas les plus à plaindre – comme les Hébreux dans le désert, et à reconnaître à la fois nos fragilités et notre besoin vital des autres, de relations, de présence, tous ces liens dont nous ne prenons pas assez soin et que nous percevons aujourd’hui comme essentiels à la vie.
Nous voilà à l’unisson du monde, démunis de toutes nos assurances, sans moyens, sans masques…, sans certitudes, impuissants devant la mort qui frappe, et laisse, malgré l’héroïsme du personnel soignant, des personnes aimées dans la solitude de la fin. Nous voici devenus si vulnérables alors que nous nous pensions à l’abri, souvent suffisants, sûrs de nos pouvoirs, de nos ressources et de nos certitudes, souvent pleins d’un trop qui aujourd’hui semble vain et inutile.

Démunis peut-être comme le Christ dans sa Passion qui sait que la parole qu’il porte n’est ni entendue ni reçue, lui qui à Gethsémani connaîtra l’angoisse et la solitude, le sentiment d’abandon sur la croix, et le silence du Père.

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