🔴 Mise à jour : suite aux annonces du gouvernement, et aussi longtemps que dure le couvre-feu à 18h, la Messe qui prend son Temps a lieu à 15h30. Rendez-vous à l’église Saint-Ignace, inutile de s’inscrire avant.
Pour ceux qui ne peuvent pas se joindre à la MT, le commentaire et les pistes pour prier seront publiés ici.
Messe du 28 février
Evangile de Jésus Christ selon saint Marc (Mc 9, 2-10)
En ce temps-là, Jésus prit avec lui Pierre, Jacques et Jean, et les emmena, eux seuls, à l’écart sur une haute montagne.
Et il fut transfiguré devant eux.
Ses vêtements devinrent resplendissants, d’une blancheur telle que personne sur terre ne peut obtenir une blancheur pareille.
Élie leur apparut avec Moïse, et tous deux s’entretenaient avec Jésus.
Pierre alors prend la parole et dit à Jésus :
« Rabbi, il est bon que nous soyons ici ! Dressons donc trois tentes : une pour toi, une pour Moïse, et une pour Élie. »
De fait, Pierre ne savait que dire, tant leur frayeur était grande.
Survint une nuée qui les couvrit de son ombre, et de la nuée une voix se fit entendre :
« Celui-ci est mon Fils bien-aimé : écoutez-le ! »
Soudain, regardant tout autour, ils ne virent plus que Jésus seul avec eux.
Ils descendirent de la montagne, et Jésus leur ordonna de ne raconter à personne ce qu’ils avaient vu, avant que le Fils de l’homme soit ressuscité d’entre les morts.
Et ils restèrent fermement attachés à cette parole, tout en se demandant entre eux ce que voulait dire : « ressusciter d’entre les morts ».
Commentaire du père Gabriel Pigache sj
Mystère… En Jésus, comme en tout homme et en toute femme, règne une part imprenable, un grand mystère. Notre origine et notre devenir, le sens de nos vies nous échappe ! Que faisons-nous sur cette terre ? Voulons-nous le comprendre ? peut-être…mais nous en saisirons peu de chose … Jésus lui-même, qui pourtant prend peu à peu conscience de sa mission, lui l’Elu de Dieu, fut comme nous traversé par la question du sens de sa vie. Dans le chapitre précédant, au chapitre 8 de l’Evangile de Marc, il posait d’ailleurs à ses disciples la question : « pour vous, qui suis-je ? ». Or seul Pierre répond, « tu es le Christ !», avant de se méprendre sur le sens de cette expression.
Jésus tente aujourd’hui de présenter à ses amis les plus proches, Pierre, Jacques et Jean, le sens de sa mission et de sa vie. Que signifie « être le Christ » ? Pour partager cela à d’autres, Jésus (tout comme Abraham au pays de Moriah, cf la 1ère lecture) prend les grands moyens : il emmène avec lui ses proches et va à l’écart sur la Montagne. Il se présente tel qu’il est : l’ami de Moïse et de Elie -c’est-à-dire, dans la foi d’Israël, proche des deux plus grands auteurs de la Bible- et tout comme eux, incandescent de la lumière de Dieu. Mais face à cette scène, Pierre ne sait pas quoi dire et bafouille une invitation, tandis que Jacques et Jean sont effrayés. Au fond, Jésus a-t-il réussi, comme il semble en avoir eu l’intention, à se faire connaître à ses amis en tant que « Christ » ?
La fin du récit montre comment se révèle en vérité une vocation : par surprise ! Pour Jésus comme pour Abraham : une voix venue du ciel, qui dissipe le brouillard. Parole adressée en je – « mon Fils bien aimé » – aux témoins de la scène – les disciples- : « écoutez-le ! », et qui laisse les disciples seuls avec « Jésus seul ». « Seuls avec le seul » : les conditions sont réunies pour que les disciples découvrent leur vocation de disciples, d’amis intimes de Jésus.
Entre Jésus et ses disciples, un serment : « ne raconter à personne ce qu’ils ont vu, avant que le Fils de l’homme ressuscite d’entre les morts ». Mais, nous dit le texte, « ils se demandaient entre eux ce que signifiait ressusciter d’entre les morts ». Dans leur rencontre « surprise » avec Dieu, et à avec Jésus, les voilà engagés vers un nouvel horizon : comprendre ce que signifie « ressusciter d’entre les morts ».
Entrer en relation, se faire connaître auprès d’autres tels que je suis, ou tel que je crois me connaître, cela n’est pas simple… Je peux bien essayer de me présenter à travers mes relations, à travers mes parents, frères et sœurs, avec mes amis… mais la plus grande part de moi-même reste un mystère et souvent l’objet de grands malentendus. C’est là justement, qu’ « une voix se fait entendre » et me présente le Fils, pour qu’enfin je l’écoute. Saurais-je entendre cette voix et écouter le Fils ? Dans le temps qui me sépare de Pâques, le carême est un temps privilégié : à l’écoute des Ecritures, dans la prière et en Eglise, en contemplant la puissance créatrice de la résurrection, apprendre à m’incliner devant le mystère de Dieu. Laisser tomber les images de moi-même et de Dieu, entendre la voix du Père me dire « Celui-ci est mon Fils bien-aimé ». Le carême est un temps privilégié pour me préparer à entrer dans une nouvelle histoire, à la suite du Ressuscité.
Demande : Fais-moi trouver dans ta parole, Seigneur, la nourriture dont ma foi a besoin pour discerner ta gloire à l’œuvre dans les évènements ordinaires.
Jésus prit avec lui Pierre, Jacques et Jean, et les emmena, eux seuls, à l’écart sur une haute montagne
Jésus désire tisser avec Pierre, Jacques et Jean une relation plus intime. Pour cela, il les emmène seuls et à l’écart. Saurais-je me retirer moi aussi de la foule, à l’écart, et prendre le risque de tisser une relation avec un ami ou avec une amie ? Voire de parler à Dieu comme un ami parle à un ami ?
Pierre ne savait que dire, tant leur frayeur était grande. Survint une nuée qui les couvrit de son ombre
Accepter l’autre radicalement différent.e de ce que j’imaginais de lui ou d’elle, cela ne se fait pas en un jour. Consentir à la réalité quand elle m’échappe, cela prend du temps. Quelles rencontres me troublent aujourd’hui ? Quels évènements me déstabilisent ? Comme Pierre, j’en parle au Seigneur…
Jésus leur ordonna de ne raconter à personne ce qu’ils avaient vu, avant que le Fils de l’homme soit ressuscité d’entre les morts.
Dans l’ordinaire des jours de carême, tendu vers la mort et la résurrection de Jésus, contempler la puissance cachée de la divinité du Christ déjà à l’œuvre en toute création. En parler à mon Dieu comme un ami parle à son ami.
Messe du 21 février
Evangile de Jésus Christ selon saint Marc (Mc 1, 12-15)
Jésus venait d’être baptisé.
Aussitôt l’Esprit le pousse au désert et, dans le désert, il resta quarante jours, tenté par Satan.
Il vivait parmi les bêtes sauvages, et les anges le servaient.
Après l’arrestation de Jean, Jésus partit pour la Galilée proclamer l’Évangile de Dieu ; il disait :
« Les temps sont accomplis : le règne de Dieu est tout proche.
Convertissez-vous et croyez à l’Évangile. »
Commentaire du père Etienne Grieu sj
Ce petit passage d’Evangile se situe juste après le baptême de Jésus. Donc, tout au début de sa vie publique. Jésus est encore seul. Pas de disciple ni de foule autour de lui. Et ce qui nous est donné à méditer, c’est l’écho d’une épreuve assez terrible que Jésus eut à traverser.
Parfois, on peut avoir en tête une image de Jésus qui ne touche pas vraiment terre : qui se promène dans l’humanité comme sur un coussin d’air. Il n’est pas vraiment inquiété par ce qui arrive, il est bien au-dessus de tout cela. Est-ce une image juste, quand on s’arrête sur le texte d’Evangile qui nous est proposé aujourd’hui ? Certainement pas. Car même si à partir de ce que nous venons d’entendre, il n’est pas facile de savoir exactement ce qui s’est passé pour Jésus, ce qui est sûr c’est qu’il s’est passé quelque chose de redoutable pour lui, entre son baptême et son entrée dans la vie publique. Et ce quelque chose c’est une épreuve : il fut « tenté par Satan ». Marc ne précise pas plus. Mais ce qui est clair, c’est qu’il a vraiment été tenté, et sans doute secoué comme un prunier.
Comment Jésus, lui qui est si près du Père, a-t-il pu être tenté ? S’il est d’emblée tout en Dieu, comment la tentation peut-elle l’effleurer ? Eh bien, c’est qu’il est vraiment l’un de nous ; il est vraiment de notre chair. Il n’avait pas par derrière une assurance qui lui permettait de traverser tous les obstacles le cœur léger. Et comme avec nous le diable est très malin, il l’a été sans doute encore plus pour Jésus. Le diable nous aborde très souvent à partir de notre réalité. Il y a très souvent du vrai dans ce qu’il dit, c’est pourquoi précisément il peut avoir prise sur nous. Et ce qu’il fait, c’est d’essayer de retourner notre réalité contre Dieu : « tu manques de confiance en toi ? Mais comment Dieu a-t-il pu te créer ainsi ? Ce n’est pas possible. Et d’ailleurs, regarde, tu ne vaux rien du tout, tu n’aurais même pas dû avoir le droit d’exister ». « Tout te réussit ? C’est génial ; tu es vraiment très bon tu sais ; bien meilleur que tous les autres. Regarde-les : à côté de toi, personne n’est à la hauteur ». L’obsession du diable c’est de séparer : séparer les hommes de Dieu, nous séparer entre nous, nous séparer de nous-mêmes. Et sans aucun doute, le diable a-t-il essayé de séparer Jésus de son Père, et de le séparer de l’humanité, de nous.
A contrario, quand, quelques lignes plus loin, on entend Jésus qui va en Galilée pour commencer à proclamer l’Evangile, nous est donné le fruit de ce combat : Jésus a refusé de se laisser séparer, au contraire, il va vers ses frères, avec cette passion de les rejoindre, de rejoindre jusqu’au dernier, qu’il manifeste tout au long de sa vie. Et quand il parle, ce qu’il annonce c’est la proximité de Dieu : « le Règne de Dieu est tout proche ». Le Règne de Dieu, c’est quand l’Alliance (cette Alliance dont il était question dans la première lecture) entre Dieu et l’humanité prend forme, quand elle passe vraiment dans la réalité. Et Jésus appelle à se préparer à l’accueillir. Si Jésus peut annoncer ainsi le renouement de l’Alliance c’est qu’il est lui-même Alliance. En sa personne il est Alliance, lien indestructible entre le Père et l’humanité. Or cette Alliance a été éprouvée. Elle a résisté aux pires attaques de Satan. Jésus ne s’est laissé séparer ni de nous, ni du Père. C’est à partir de là qu’il peut annoncer des retrouvailles entre Dieu et nous, qu’il peut être pour nous, réconciliation. C’est que lui-même s’est montré plus fort que tout ce qui peut nous séparer.
A partir de là, on comprend pourquoi Marc dit que c’est l’Esprit qui a poussé Jésus au désert. Sans doute, Jésus devait-il affronter, tout au début de sa mission, cette épreuve qui fait croire qu’on est séparé de Dieu et de l’humanité, afin de pouvoir, tout à la fin, résister à la même tentation, quand il est sur la croix. Et du coup, toute sa vie pourra être, pour tous, chemin de retrouvailles avec Dieu, invitation à retrouver la proximité avec Dieu à laquelle nous sommes destinés.
Cette proximité elle nous est donnée grâce à ce combat du Christ. Grâce à lui elle nous rejoint. Accueillons-là. Le Carême est fait pour cela. Profitons-en, largement !
Pour ce temps de prière, je vous propose de demander au Seigneur la grâce de reconnaître les combats spirituels qui sont les vôtres, afin de vous y livrer en confiance.
1. Voir Jésus dans le désert. Se représenter ce désert. Vous pouvez vous représenter vous-même, marchant dans ce désert, ou autrement. Comment vous sentez-vous dans ce désert ?
2. Considérer comment Jésus est tenté par Satan. Il a un combat à mener. Comment voyez-vous Jésus dans ce combat ? Que peut-il alors vivre et ressentir ?
3. Et auprès de Jésus, il y a des bêtes sauvages et des anges. Environnement contrasté ! Quelle peut être l’attitude de Jésus au milieu de tout cela ?
4. Entendre ensuite l’Evangile qu’il annonce (c’est à la fin du texte). Laissez-le retentir pour vous.
Messe du 14 février
Evangile de Jésus Christ selon saint Marc (Mc 1, 40-45)
En ce temps-là, un lépreux vint auprès de Jésus ; il le supplia et, tombant à ses genoux, lui dit : « Si tu le veux, tu peux me purifier. »
Saisi de compassion, Jésus étendit la main, le toucha et lui dit : « Je le veux, sois purifié. »
À l’instant même, la lèpre le quitta et il fut purifié.
Avec fermeté, Jésus le renvoya aussitôt en lui disant :
« Attention, ne dis rien à personne, mais va te montrer au prêtre, et donne pour ta purification ce que Moïse a prescrit dans la Loi : cela sera pour les gens un témoignage. »
Une fois parti, cet homme se mit à proclamer et à répandre la nouvelle, de sorte que Jésus ne pouvait plus entrer ouvertement dans une ville, mais restait à l’écart, dans des endroits déserts.
De partout cependant on venait à lui.
Commentaire du père Jacques Enjalbert sj
La justesse d’une foi qui franchit tous les obstacles…
Voici qu’un lépreux vient trouver Jésus. Cet acte même peut nous paraitre aujourd’hui naturel, mais il ne l’est pas du tout au temps de Jésus. La lèpre était perçue dans la loi juive comme une impureté qui séparait celui qui en était atteint du Dieu « Saint ». Et toute impureté était la marque visible d’un péché, commis soit par le malade lui-même, son entourage, son ascendance… Tous ceux qui le touchaient ou s’en approchaient devenaient eux-mêmes impurs à son contact… Seul le prêtre était habilité à « purifier » le lépreux. Il faut donc beaucoup d’audace au lépreux, avec tout le poids social sur son impureté et sa culpabilité, pour enfreindre la Loi, s’approcher de Jésus et s’adresser à lui.
« Si tu le veux, tu peux me purifier » s’écrie-t-il pourtant en tombant aux genoux de Jésus. Contemplons sa parole et son geste, l’immense confiance en Jésus qui l’habite. L’homme ne doute pas. Il n’exige rien, dans ces simples mots, il manifeste à la fois que Dieu seul peut tout, que nul ne saurait le contraindre et que Jésus est de Dieu. Sa parole révèle à Jésus qu’il lui suffit de vouloir pour pouvoir. Sa foi voit déjà en lui, le Christ, prêtre, prophète et roi au nom du Père des cieux ; celui qui est de Dieu.
N’ai-je pas à apprendre de lui la foi, l’apprendre de personnes plus éprouvées ou réprouvées que moi… ? Apprendre cette entière confiance et à me remettre dans les mains aimantes de Celui qui peut tout… sans rien exiger pour autant ?
Un Dieu aux entrailles de mère
Jésus est saisi de compassion, nous dit la traduction liturgique du verbe grec σπλαγχνιζείς – splankhnidzeis / être remué aux entrailles comme une mère ; exact renvoi au terme hébreu רחמים – rahamim / sein maternel, utérus, entraille que l’on retrouve dans la Torah pour dire le lien qui unit Dieu à son peuple, un Dieu saisi aux profondeurs de son être à la vue de ses enfants par le même lien charnel et viscéral qui unit la mère à l’enfant qu’elle porte en son sein.
L’émotion profonde face à la vérité et la foi de cet homme est la source de l’agir de Jésus. La compassion nous prend et nous dépasse infiniment. On ne décide pas d’être pris aux entrailles. Le geste et la parole de Jésus en réponse viennent comme l’acte-même de Dieu qui ne peut nous abandonner ou nous laisser voir la corruption sans se porter au-devant de nous : « Je le veux, sois purifié » dit Jésus tout en touchant le lépreux. A cet endroit, il n’y a plus aucune loi, impureté ou péché qui tiennent, seul se dit le lien recréateur de l’amour. Voici l’homme guérit
Oui contemplons ici en Jésus la vérité étonnante d’un Dieu qui se laisse toucher… et ne peut que se porter au-devant de tout humain blessé, dans un amour qui seul purifie de tout mal…
Les conditions de la Parole vraie qui crée et recrée
Pourtant, à peine l’homme guérit, Jésus le rudoie et le renvoie. Pourquoi donc ? Jésus regretterait-il un geste qui lui aurait échappé ? Dieu se repentirait-il de l’amour qu’il éprouve pour nous ? Nous sentons bien que cela ne peut tenir… Alors, n’est-ce pas qu’à l’endroit de cette guérison, Jésus par sa rudesse appelle à comprendre que, plus que le geste, c’est la Parole de Dieu même qui nous crée et nous recrée. Et c’est cela qu’il est venu nous annoncer d’abord, jusqu’à la Cène et à la Croix… Ici, son geste pourrait être sujet à mésinterprétation et c’est pourquoi il envoie l’homme faire constater sa guérison par le prêtre pour sa réintégration dans la communauté des croyants, comme le prescrit la Loi.
Le lépreux, lui, tout à sa joie, ne respecte cependant pas la consigne reçue et se met mot à mot à proclamer beaucoup de choses et à divulguer la parole. Du coup c’est au tour de Jésus de se retrouver impur, comme pestiféré puisqu’il s’est laissé toucher et l’a touché, obligé d’être tenu à l’écart des autres humains. Le voilà qui, innocent, prend sur lui le mal d’autrui, en filigrane du drame de la croix… Et il ne peut plus proclamer l’Evangile de Dieu. Quel contraste avec l’homme qui, pour sa part, ne proclame plus que des choses et répand la parole… L’unité fondamentale entre parole et geste qui vient de la tendresse profonde de Dieu, du lien d’amour qu’il nous porte ne peut plus opérer ouvertement. Jésus n’agit en plénitude qu’au cœur d’une relation unique et personnelle à chacun de nous, par la Parole qu’il porte et qu’Il est et qui nous recrée. L’enjeu est la vérité de cette relation. La coïncidence retrouvée entre Lui et nous, entre paroles exprimées et démarche de tout l’être et qui a pour nom l’amour… Définition du lien de la foi sans laquelle Dieu ne peut pleinement nous sauver. Et révélation que ce n’est qu’aux marges, aux lieux de pauvreté d’une relation un à un que Jésus peut pleinement parler et agir… Loin du brouhaha du spectaculaire, de la réassurance où l’homme se replace au centre plutôt qu’il ne s’efface.
Mais une autre puissance est l’œuvre. Celle de l’Esprit qui attire à Jésus, au lieu secret de l’attente en chacun d’une parole, d’une relation qui sauve et me fait quitter ma vie ordinaire pour venir personnellement à Jésus. « Dis seulement une parole, et je serai guéri » disons-nous à la suite du Centurion avant de communier…
Je demande une grâce : Seigneur donne-moi de grandir dans la foi que tu nous sauves !
La justesse d’une foi qui franchit tous les obstacles : Je vois le lépreux qui se jette au pied de Jésus. J’entends ses paroles… Puis-je me lancer vers Jésus comme lui ? N’ai-je pas à apprendre de lui la foi, apprendre de personnes éprouvées ou réprouvées cette entière confiance. Puis-je me remettre dans les mains aimantes de Celui qui peut tout et sans rien exiger pour autant ?
Un Dieu aux entrailles de mère : Je contemple la réponse de Jésus mû aux entrailles, saisi de compassion… Quelle émotion le traverse ? Je le vois répondre au lépreux, le toucher… Et celui-ci est guéri. Je mesure la vérité étonnante d’un Dieu qui se laisse toucher. Il ne peut que se porter au-devant de l’humain blessé et cet amour purifie de tout mal…
Les conditions de la Parole vraie qui crée et recrée : Jésus renvoie l’homme en le rudoyant, l’invitant à se montrer aux prêtres. Mais lui répand la nouvelle. Est-elle encore proclamation de la Bonne Nouvelle ? Que lui manque-t-elle ? Je contemple en contraste Jésus, à l’écart, qui a pris sur lui notre mal… Et comme sa Parole attire à lui…
Messe du 7 février
Evangile de Jésus Christ selon saint Marc (Mc 1, 29-39)
En ce temps-là, aussitôt sortis de la synagogue de Capharnaüm, Jésus et ses disciples allèrent, avec Jacques et Jean, dans la maison de Simon et d’André. Or, la belle-mère de Simon était au lit, elle avait de la fièvre.
Aussitôt, on parla à Jésus de la malade. Jésus s’approcha, la saisit par la main et la fit lever. La fièvre la quitta, et elle les servait.
Le soir venu, après le coucher du soleil, on lui amenait tous ceux qui étaient atteints d’un mal ou possédés par des démons. La ville entière se pressait à la porte.
Il guérit beaucoup de gens atteints de toutes sortes de maladies, et il expulsa beaucoup de démons ; il empêchait les démons de parler, parce qu’ils savaient, eux, qui il était.
Le lendemain, Jésus se leva, bien avant l’aube. Il sortit et se rendit dans un endroit désert, et là il priait.
Simon et ceux qui étaient avec lui partirent à sa recherche.
Ils le trouvent et lui disent : « Tout le monde te cherche. »
Jésus leur dit : « Allons ailleurs, dans les villages voisins, afin que là aussi je proclame l’Évangile ; car c’est pour cela que je suis sorti. »
Et il parcourut toute la Galilée, proclamant l’Évangile dans leurs synagogues, et expulsant les démons.
Commentaire d’Emmanuelle Maupomé, soeur auxiliatrice
Marc 1, 29-39 : une journée de Jésus
Quand on contemple Jésus et sa folle activité dans ce passage de l’Evangile de Marc, il semble que l’on entend le rire de la Vie qui se propage de proche en proche comme une cascade, comme une contagion de joie divine… La belle- mère de Pierre se lève et sert, les malade sont guéris, les démons se taisent, la ville entière se presse, et Jésus va encore ailleurs, plus loin, pour que ailleurs encore la Vie, sa Vie se répande et que l’Evangile soit annoncé…
Lui, Jésus il est partout : il est dans la maison, et il est hors de la maison, il est au désert et sur les routes, il est là le jour et il est là aussi la nuit, il est là dans l’action et il est là dans la prière, il est là qui se laisse toucher, et il est là qui échappe aussi à toute prise…En Lui pourtant, toutes ces oppositions : dedans/dehors, action/prière, nuit et jours, toutes ces tensions, semblent s’apaiser…
Alors nous, nous qui sommes des disciples parfois bien agités par nos activités, nos rencontres, nos préoccupations, nous pouvons nous demander : comment fait- il ? Comment fait- il pour rester juste au cœur de toute cette activité ? Comment fait- il pour que le rire de la vie en Lui ne se crispe pas à cause de la fatigue, de la confrontation même à la souffrance d’autrui ? Comment fait- il pour discerner le moment juste où il lui faut répondre à la soif de la foule, des malades qui se pressent et le moment juste pour se refuser à cette soif et aller au désert ou ailleurs ? Comment fait- il pour se donner ainsi, tout à tous, et demeurer pourtant appuyé, ancré sur son Père ? Et nous pouvons rêver aussi d’être comme Jésus : serein de sa sérénité active,, lestés comme lui d’une ancre secrète qui plongerait en son cœur et nous permettrait d’aimer sans fatigue, de nous donner sans tension, sans dispersion. Mais comment faire ?
Ecoutons Jésus : pour façonner ses disciples à son image, Il ne leur donne pas un long enseignement sur la Confiance ou sur la prière : Il ne leur dit rien d’autre que « allons ailleurs ». C’est-à-dire qu’il n’est d’autre manière pour apprendre le chemin que le chemin lui-même, mais derrière Lui. Il n’est pas d’autre manière d’apprendre l’équilibre en Dieu, que de consentir à se laisser déséquilibrer par la route, par la mission, par la prière à sa suite. Pas d’autre manière que de se laisser déséquilibrer mais aussi ramener à l’équilibre par Lui, à chaque pas, sans rêver d’une stabilité définitive qui ne tiendrait au fond qu’à notre propre sagesse. Il n’est pas d’autre chemin pour le disciple, pour chacun de nous, que de marcher, mais marcher derrière Lui, les yeux fixés sur Lui, rivés sur Lui qui va devant …
Fixer les yeux sur lui, pour apprendre à marcher avec lui, pour apprendre sa manière de marcher et de vivre, c’est précisément cela qui nous est proposé maintenant avec ce temps de prière…
Emmanuelle Maupomé, St Ignace, 7 février 2021
Fête de la Bienheureuse Marie de la Providence
Je demande une grâce, par exemple : la grâce de pouvoir me rendre vraiment présent/e à Jésus qui parle, qui guérit, qui prie, avec tout ce que je suis, pour apprendre de Lui qui Il est vraiment.
1/ Jésus s’approcha et la saisit par la main
Je regarde Jésus, tous ceux qui sont là : les disciples, la famille, et puis cette femme allongée, malade. J’imagine les gestes des uns et des autres, jusqu’à ce moment où Jésus s’approche, prend la main de cette femme, la relève… Qu’est-ce que j’éprouve en regardant cela : étonnement, admiration, joie, autre chose ? J’accueille ce qui vient ainsi en moi.
2/ Le soir venu, (…) la foule entière se pressait à la porte
La foule entière se presse : c’est une foule avec des malades, des gens atteints de toutes sortes de maladies, de fatigues physiques, psychiques sans doute aussi. Je peux imaginer ces malades du temps de Jésus : les aveugles, les boiteux, les paralytiques, les possédés. Et je peux amener aussi tous les malades et les fatigués d’aujourd’hui : ceux que je connais, dont je suis proche, moi peut-être… Je les amène à Jésus, je les lui présente, je prie pour eux, avec eux….
3/ Jésus priait…. « Tout le monde te cherche »… « Allons ailleurs ! »
C’est la nuit, le désert et Jésus prie… Je prends le temps de découvrir Jésus qui prie, avec les disciples qui le découvrent… Puis j’écoute leur dialogue « tout le monde te cherche… Allons ailleurs ! » Qu’est-ce qui pousse ainsi Jésus ailleurs, vers d’autres qui l’attendent ? Et moi, quel est l’ailleurs où je me sens invité/e à aller aujourd’hui ?
Messe du 31 janvier
Evangile de Jésus Christ selon saint Marc (Mc 1, 21-28)
Jésus et ses disciples entrèrent à Capharnaüm.
Aussitôt, le jour du sabbat, il se rendit à la synagogue, et là, il enseignait.
On était frappé par son enseignement, car il enseignait en homme qui a autorité, et non pas comme les scribes.
Or, il y avait dans leur synagogue un homme tourmenté par un esprit impur, qui se mit à crier :
« Que nous veux-tu, Jésus de Nazareth ?Es-tu venu pour nous perdre ? Je sais qui tu es : tu es le Saint de Dieu. »
Jésus l’interpella vivement : « Tais-toi ! Sors de cet homme. »
L’esprit impur le fit entrer en convulsions, puis, poussant un grand cri, sortit de lui.
Ils furent tous frappés de stupeur et se demandaient entre eux : « Qu’est-ce que cela veut dire ? Voilà un enseignement nouveau, donné avec autorité ! Il commande même aux esprits impurs, et ils lui obéissent. »
Sa renommée se répandit aussitôt partout, dans toute la région de la Galilée.
Commentaire du père Miguel Roland-Gosselin sj
Vous savez que la première lecture est choisie, le dimanche, pour le lien qu’elle permet d’établir avec l’évangile. Elle oriente notre compréhension de l’évangile. Exemple : cet épisode de guérison, par quel biais faut-il l’envisager ? Pourquoi l’Église l’a-t-elle retenu aujourd’hui ? Réponse : voyez cette « autorité » de Jésus, voyez avec quelle puissance il parle et il agit, et comprenez qui il est ; il est celui que Dieu avait annoncé à Moïse, le « nouveau prophète », ce mystérieux personnage qui viendrait un jour arracher les hommes à la mort. « Je ne veux pas mourir », disaient le peuple d’Israël au désert. « Vous faites bien de dire cela », avait répondu Dieu ; vous faites bien, car vous n’êtes pas faits pour la mort mais pour la vie. Et Dieu s’était engagé : je vous enverrez un prophète véritable, celui qui parlera vraiment au nom de Dieu, celui dont les mots auront la puissance de Dieu. Jésus est l’accomplissement des Écritures.
Vous n’êtes pas faits pour mourir. Et Jésus le Vivant va donc affronter la mort. Il va l’affronter d’abord par des mots, par des paroles d’enseignement qui ont « autorité ». Les foules sont frappées par cette autorité : quand cet homme-là parle, ses paroles sonnent vrai ; on entend qu’elles viennent de loin ; on entend que ce qu’il dit n’est pas puisé dans son propre fond. Cet homme-là parle de plus loin que lui. Il est un passeur de vie. Il nous donne des mots où l’on entend Dieu lui-même, source de vie. N’est-ce pas cela, parler avec autorité ? Rien à voir avec la parole d’une puissant, la parole d’un dominant. Laissez cela aux scribes ! La parole d’autorité est humble, juste, vivifiante. Celui qui parle ainsi est en étroite parenté avec l’auteur de la vie. Il nous « autorise » à avancer ; c’est cela une parole « d’autorité ».
Ce point pourrait faire l’objet d’un premier moment de prière. Nous pourrions contempler Jésus dans sa parole vivifiante, ferme, exigeante, exactement ajustée pour faire grandir les gens et les lancer dans l’existence. Jésus « passeur » de vie. Et si cela nous aide, nous pourrons faire un petit détour pour nous rappeler le visage de quelques personnes qui ont été pour nous des « passeurs », de belles figures d’autorité.
Et puis il y a ce tête-à-tête avec l’homme possédé par un esprit impur. Cet homme, bien sûr, nous représente tous. Il est, selon saint Marc, le premier d’entre nous que le Christ va libérer de sa mort, qu’il va arracher au démon mortel qui peut ronger un homme. Curieusement, le démon se défend ; on dirait que le malheureux possédé s’arc-boute devant Jésus pour ne pas le laisser approcher. Comme si la même humanité qui dit « Je ne veux pas mourir » allait se dresser contre Jésus pour l’empêcher de faire son œuvre de vie. C’est exactement ce qui va se passer. Tout l’évangile racontera cela : Jésus arrive avec une puissance de vie, et l’humanité, possédée par ses démons, va tenir tête à Jésus et le rejeter. C’est qu’il en coûte de choisir la vie et de renoncer à son existence de péché ! C’est que nous y tenons, à nos démons ! Grâce à Dieu, Jésus dira sur la croix que l’humanité ne « savait pas » ce qu’elle faisait. Nous ne savons pas, mais les démons qui nous déchirent le savent : « Je sais qui tu es ! »
Il y a peut-être là une deuxième matière pour notre prière. Nous pourrions regarder l’humanité, la belle humanité qui tient tête à la vie, qui cède à ses démons, qui est possédée par… à vous de voir : l’orgueil, la jalousie, toutes les « puissances et dominations » dont parle saint Paul. Nous porterons un regard sans concession sur les folies du monde et, au nom de l’humanité blessée, au nom de tous ceux qui souffrent, nous lancerons à Jésus un vibrant : « Je ne veux pas mourir ».
Et il restera encore une phrase à entendre, la plus vigoureuse et salutaire qui soit : « Tais-toi ! Sors de cet homme. » C’est un ordre impérieux et tranchant. Y a-t-il des démons qui nous rongent (quels sont-ils ?), des peurs qui nous retiennent (quelles sont-elles) ? Une chose est sûre, rien de tout cela ne fait le poids devant le Christ. Il « commande même aux esprits impurs », rien de nos petitesses et de nos folies ne déborde sa bonté et sa puissance. Mais ce « Tais-toi ! » qui chasse les démons, ce « Tais-toi ! » qui guérit et libère un homme, ne faudra-t-il pas que nous le prononcions nous aussi ? Pour notre bien et pour celui du monde, le chemin de la vie n’exige-t-il pas de notre part quelques vigoureuses et tranchantes décisions d’autorité ? Dire non à ceci, non à cela. Cela peut s’envisager, avec une grande confiance en la bonté et en la douceur de Dieu, du Dieu de Jésus-Christ.
Demander une grâce : « Seigneur, libère-moi (libère-nous) des puissances du mal et des inspirations mauvaises. »
« Il enseignait en homme qui a autorité. » Les foules admirent en Jésus une « autorité ». Laisser monter en moi tout ce que je sais de lui, le contempler : vais-je partager l’admiration des foules ?
« Je ne veux pas mourir. » C’est un cri de l’humanité (1ère lecture). Considérer notre monde avec son virus d’aujourd’hui et ses démons de toujours, avec toute sa peine à vivre. Demander à Dieu la vie, pour le monde, pour des gens, pour moi.
« Tais-toi ! Sors de cet homme. » Entendre cette parole « d’autorité ». Ces mots vigoureux, n’y a-t-il pas lieu que je les prononce à mon tour ? Sur moi-même (pour chasser mes démons). Sur d’autres. Toujours avec amour et charité.
Conclure en parlant au Seigneur.
Messe du 24 janvier
Evangile de Jésus Christ selon saint Marc (Mc 1, 14-20)
Après l’arrestation de Jean le Baptiste, Jésus partit pour la Galilée proclamer l’Évangile de Dieu ; il disait: « Les temps sont accomplis : le règne de Dieu est tout proche. Convertissez-vous et croyez à l’Évangile. »
Passant le long de la mer de Galilée, Jésus vit Simon et André, le frère de Simon, en train de jeter les filets dans la mer, car c’étaient des pêcheurs.
Il leur dit : « Venez à ma suite. Je vous ferai devenir pêcheurs d’hommes. »
Aussitôt, laissant leurs filets, ils le suivirent.
Jésus avança un peu et il vit Jacques, fils de Zébédée, et son frère Jean, qui étaient dans la barque et réparaient les filets.
Aussitôt, Jésus les appela.
Alors, laissant dans la barque leur père Zébédée avec ses ouvriers, ils partirent à sa suite.
Commentaire du Pasteur Frédéric Chavel
A l’occasion de la semaine pour l’unité des chrétiens, un pasteur protestant a été invité à faire le commentaire.
Commentaire à venir.
Pour une grâce : Seigneur, fais de ma vie une vie évangélique, dans la grâce du partage.
1/ « Jésus partit pour la Galilée proclamer l’Évangile de Dieu ». Temps de mise en route. Mais quelle est la fin de ce voyage ? Qu’est-ce que vivre un tel départ ?
Suis-je prêt, quant à moi, à déséquilibrer ma vie en tendant vers l’appel du Royaume ?
2/ « Laissant leurs filets ». Le labeur est difficile, et l’interrompre pour autre chose encore plus exigeant. Et pourtant, j’observe les disciples. N’y a-t-il pas ici liberté et simplicité ?
Comment vivre dans la paix les moments nécessaires de changement de vie ?
3/ « Pêcheurs d’hommes ». Parcourir des yeux l’humanité. Sans non plus oublier les poissons, et toutes les créatures dont notre humanité est solidaire.
Que suis-je appelé à faire pour eux ? Qu’est-ce que je désire partager avec eux de la vie ?
Messe du 17 janvier
Evangile de Jésus Christ selon saint Jean (Jn 1, 35-42)
En ce temps-là, Jean le Baptiste se trouvait avec deux de ses disciples.
Posant son regard sur Jésus qui allait et venait, il dit : « Voici l’Agneau de Dieu. »
Les deux disciples entendirent ce qu’il disait, et ils suivirent Jésus.
Se retournant, Jésus vit qu’ils le suivaient, et leur dit : « Que cherchez-vous ? »
Ils lui répondirent : « Rabbi – ce qui veut dire : Maître –, où demeures-tu ? »
Il leur dit : « Venez, et vous verrez. »
Ils allèrent donc, ils virent où il demeurait, et ils restèrent auprès de lui ce jour-là.
C’était vers la dixième heure (environ quatre heures de l’après-midi).
André, le frère de Simon-Pierre, était l’un des deux disciples qui avaient entendu la parole de Jean et qui avaient suivi Jésus.
Il trouve d’abord Simon, son propre frère, et lui dit : « Nous avons trouvé le Messie » – ce qui veut dire: Christ.
André amena son frère à Jésus.
Jésus posa son regard sur lui et dit : « Tu es Simon, fils de Jean ; tu t’appelleras Kèphas » – ce qui veut dire : Pierre.
Commentaire du P. Grégoire Le Bel sj
Nous sommes au début de l’évangile de Saint Jean. Cet évangile étonnant, qui a eu du mal à être reconnu comme canonique, débute avec son fameux Prologue, puis s’ouvre sur ce que les exégètes appellent le livre des Signes sur 12 chapitres.
Avec ce premier chapitre de saint Jean, nous sommes les témoins privilégiés d’une passation : L’attention était clairement sur Jean, ce personnage étonnant et haut en couleur. Rapidement, sa vie sera de désigner un autre, le Messie, et d’abord aux Juifs envoyés de Jérusalem, puis à Jésus lui-même quand celui-ci s’approche pour être baptisé, puis enfin à ses propres disciples. Jean est un passeur, un facilitateur, un aéroport, un de ces lieux, une de ces personnes qui permet à d’autres d’advenir à la vie. Ici aux Juifs qui n’accepteront pasle message et resteront dans leur cécité ; puis à Jésus, qui sera confirmé dans sa vocation de Fils de Dieu ; enfin à ses disciples à qui il indique le chemin à suivre, et ce chemin c’est le Christ lui-même.
Voici peut-être une première invitation : reconnaître celles et ceux qui furent dans ma vie ou le sont encore, des passeurs, des femmes et des hommes qui ont été comme des poteaux indicateurs de la direction à suivre pour vivre en plénitude. Un professeur, mes parents, un parrain, une marraine, aux scouts, au MEJ un chef, une cheftaine, un ou une animatrice, un saint à travers ses écrits ou sa vie ou que sais-je encore.
Seconde invitation, qui en est la contraposée : Reconnaître humblement que j’ai pu être moi aussi de manière consciente ou non passeur, facilitateur de telle ou tel. Nous sommes des êtres de relation, vivifié par l’Esprit Saint reçu à notre baptême. Il ne peut en être autrement que de montrer à notre tour des chemins à des proches ou des inconnus : Oui l’Esprit Saint fait feu de toute existence qui vit à son rythme.
Mais revenons à ce court passage de seulement sept versets. Il nous présente l’appel des trois premiers disciples : un inconnu, André et Simon. Mais est-ce réellement un appel ? N’est-ce pas plutôt une attraction, un de ces moments où les choses prennent place, s’ajustent, comme quand on tombe amoureux, comme quand on exprime son désir de la vie religieuse par exemple.
Une des choses très intéressantes tient dans le fait que ces premiers appelés/envoyés sont des disciples de Jean. D’une certaine manière, ces hommes sont la vivante expression de ce que proclamait Jean à ses disciples qui s’inquiétaient de la naissante popularité de Jésus, rapportant qu’il se serait même mis à baptiser comme on peut le lire au chapitre 3. « Moi, je ne suis pas le Christ, mais j’ai été envoyé devant lui. Celui à qui l’épouse appartient, c’est l’époux ; quant à l’ami de l’époux, il se tient là, il entend la voix de l’époux, et il en est tout joyeux. Telle est ma joie : elle est parfaite. Lui, il faut qu’il grandisse ; et moi, que je diminue. » Qu’il grandisse et que je diminue. C’est ce que Jean fait en indiquant à ses disciples l’Agneau de Dieu, le Christ, le Messie tant attendu ; Deux d’entre eux entendent et se mettent en route. D’une certaine manière, Jean Baptiste est une icône de la Chasteté. Il n’entre pas dans quelque jeu de séduction, ni avec les pharisiens venus de Jérusalem, ni avec ses propres disciples. Il veut pour eux le meilleur. Il les détache de leurs liens affectifs avec lui.
Alors que les disciples sont en route, Jésus semble presque surpris de les voir marcher à sa suite. Une invitation leur est alors faite : « Venez, et vous verrez. ». Invitation à laquelle ils répondent en demeurant à ses côtés. C’est un très beau terme que demeurer. Quelque chose de la stabilité, de la sécurité, la durée, qui fait penser à la maison, la demeure. Même si cela peut faire sourire, l’épisode du petit prince avec le renard est de cet ordre-là. Demeurer, s’apprivoiser, et s’attacher à jamais dans un cœur à cœur. Une question peut alors nous accompagner : quels moyens puis-je prendre ou inventer pour demeurer auprès de Jésus, demeurer en sa présence au cœur de mon quotidien. Prie en Chemin est un excellent moyen, mais à chacun de trouver sa manière de nourrir cette présence auprès du Christ, de s’y laisser nourrir et accueilli aussi.
Le passage s’achève sur l’appel de Pierre par son frère André. Il est étonnant que Pierre, sans qu’on sache rien de lui, s’il est disciple ou pas de Jean Baptiste etc. est mis d’emblée en position d’autorité. Devant le Christ, pas de comparaison, pas de premier ou de dernier. Il y a seulement des aimés, chacun à sa manière, sous le regard de celui qui nous envisage tel que nous sommes et serons un jour. Il est enfin heureux de voir que les envoyés de la part de Jean Baptiste, deviennent dès le début de l’évangile, à leur tour des facilitateurs, des passeurs, montrant le chemin vers le Christ à un autre. N’est-ce pas une belle manière de débuter notre année liturgique ? Seigneur, fais de nous des habitants de ta maison, des facilitateurs de ta présence auprès des femmes et hommes de ce temps. Amen.
Au début de ce temps de prière je demande la grâce pouvoir trouver les mots pour dire quelle est ma quête, ce que je recherche dans mon cheminement avec le Christ.
1/ « Voici l’agneau de Dieu ». Je me place auprès des deux disciples de Jean le Baptiste. Je regarde Jean. Il est fidèle au lieu où il baptise. Jésus en revanche, marche, va et vient le long du Jourdain ou du lac de Galilée. Puis j’entends et médite cette étrange parole : « Voici l’agneau de Dieu »
2/ « Que cherchez-vous ? » Jésus commence par interroger le désir de celui ou celle qui se met à sa suite. Et la question est générale : Que cherchez-vous ? J’imagine ce qui se passe dans la tête et le cœur des deux disciples qui suivent Jésus. Et pour moi, qu’en est-il ? Qu’est-ce que je recherche dans ce compagnonnage avec Jésus ?
3/ « Nous avons trouvé le messie ». C’est étonnant et rassurant de voir que se mettre à la suite de Jésus ne se fait pas d’un coup. Il y a des étapes, des moments de maturation, de transformation, de changement. En regardant ma vie, quelles étapes ont été franchies ? À quels moments Jésus a-t-il posé son regard sur moi ? J’en fais mémoire et je rends grâce.
Messe du 10 janvier
Evangile de Jésus Christ selon saint Marc (Mc 1, 7-11)
En ce temps-là, Jean le Baptiste proclamait :
« Voici venir derrière moi celui qui est plus fort que moi ; je ne suis pas digne de m’abaisser pour défaire la courroie de ses sandales. Moi, je vous ai baptisés avec de l’eau ; lui vous baptisera dans l’Esprit Saint.»
En ces jours-là, Jésus vint de Nazareth, ville de Galilée, et il fut baptisé par Jean dans le Jourdain.
Et aussitôt, en remontant de l’eau, il vit les cieux se déchirer et l’Esprit descendre sur lui comme une colombe.
Il y eut une voix venant des cieux :
« Tu es mon Fils bien-aimé ; en toi, je trouve ma joie. »
Commentaire du père Etienne Grieu sj
Cet épisode du baptême de Jésus est très important, car c’est un acte inaugural, un geste qui ouvre une nouvelle page, ici, c’est le commencement de la mission de Jésus. Or généralement, dans un acte inaugural de ce type, on dit en une seule fois tout ce qui ensuite va peu à peu se déployer. Alors, cela nous invite à redoubler d’attention pour comprendre ce qui se dit dans cet acte du baptême.
Regardons le geste même du baptême, qui a été inventé, apparemment par Jean le Baptiste. Existait depuis longtemps dans le judaïsme des ablutions, afin de se purifier de toutes les souillures qu’on peut contracter. Le baptême est un geste qu’on peut classer dans cette famille de gestes de purification. Mais, avec ce que fait Jean, il y a 2 nouveautés : d’abord, on est plongé tout entier dans l’eau. Comme pour dire, ça ne suffit pas de mettre un peu d’eau pour enlever les saletés et ce qui est moche en nous ! en fait, il faut que nous soyons tout entier plongés dans l’eau. Comme si ce dont nous devions être purifiés n’était pas un petit élément, mais nous-mêmes, tout entier. Le geste du baptême indique qu’on est prêt à être tout entier renouvelés. Pas seulement une part de nous. Mais nous, tout entier.
La 2e nouveauté, c’est qu’on ne se fait pas l’ablution soi-même. Mais on est baptisé par un autre (ici Jean). C’est une manière de reconnaître que pour ce renouvellement de fond en comble de notre être, eh bien nous avions besoin d’un autre. Nous ne pouvons pas nous renouveler seuls.
Voilà, en très gros ce que pouvait représenter ce geste du baptême que pratiquait Jean. Alors beaucoup de gens venaient (Marc écrit « tout le pays de Judée et tous les habitants de Jérusalem ») venaient se faire baptiser. Et c’était, de leur part, un geste de conversion. Marc écrit « ils se faisaient baptiser par lui dans le Jourdain en confessant leurs péchés ». On peut imaginer ici un vaste mouvement de réveil spirituel, où beaucoup de personnes éprouvent le besoin de changer de vie, ils se reconnaissent pécheurs, limités, dépourvus, et ils font ce geste du baptême pour dire qu’ils s’en remettent entièrement à Dieu.
Et tout cela se passe dans le Jourdain, dans ce cours d’eau que le peuple, bien des siècles avant, a dû franchir pour entrer dans la terre sainte. Donc, ce qui est espéré, c’est une nouvelle entrée dans la terre sainte, une transformation pas seulement de chacun, mais du peuple ; pour qu’il redevienne le peuple conduit par Dieu à travers le désert, jusque dans la terre sainte.
Au point où nous en sommes, une question a peut-être surgi en vous : mais que vient donc faire Jésus là-dedans ? Jésus, il n’a pas besoin d’être purifié ; il n’a pas péché ! il n’a pas besoin de conversion. Il n’a pas besoin d’entrer dans la terre sainte, car c’est lui qui apporte le Royaume. Alors pourquoi vient-il ici, pourquoi se fait-il baptiser ? Et en plus, pourquoi on a fait de cette démarche l’acte inaugural de sa mission ?
Eh bien justement, dans ce choix de Jésus, il y a tout lui ; et il y a la manière de s’y prendre de Dieu avec nous. Ce que fait Jésus, ce qu’il veut avant tout, c’est nous rejoindre. Nous rejoindre là où nous sommes le plus nous-mêmes, là où nous sommes en vérité. Or, quand, face à Dieu, nous nous reconnaissons bien démunis, pas fiers, et ayant vraiment besoin d’un autre pour être renouvelés en profondeur, alors là nous sommes le plus nous-mêmes, nous sommes le plus en vérité.
Et il nous rejoint ainsi discrètement. Sans rien dire. Il vient joindre son geste aux gestes de tous les gens qui sont là, sa présence à leur présence. Il vit ainsi un moment de communion, extrêmement fort, avec son peuple.
Eh bien en faisant cela, précisément, Jésus entre dans sa mission. Car sa mission, ce sera cela. Du début à la fin. Une communion qu’il cherche à rétablir avec l’humanité, avec nous.
Si le ciel s’ouvre, si l’Esprit se manifeste, c’est une manière de dire que c’est Dieu lui-même qui s’engage dans cette mission. La voix qui vient du Ciel, elle s’adresse à Jésus. Marc, de cette façon, nous rend témoin de la relation entre Jésus et son Père. Et ce qui se manifeste c’est de la joie ! La joie du Père parce que son Fils inaugure cette mission dans laquelle il va nous retrouver.
Comment aujourd’hui, nous laisser rejoindre par Jésus ? Je vous propose de regarder ces moments de votre vie où vous êtes, comme les foules qui venaient auprès de Jean le Baptiste, pas fiers ; où vous avez conscience d’un besoin de renouvellement en profondeur ; où vous découvrez que vous ne pourrez pas faire cela seul, à la force du poignet, mais que vous avez vraiment besoin des autres. Eh bien, ces moments, c’est sans doute pour nous la porte d’entrée pour accueillir le Christ !
Vous pouvez demander au Seigneur, à l’occasion de ce temps de prière, la grâce d’être rejoints par la joie de Dieu, et qu’elle grandisse en vous.
- Regarder Jean. Comment le voyez-vous ? Marc l’a décrit vêtu de poils de chameau, se nourrissant de sauterelles et de miel sauvage : quelqu’un qui s’est mis à l’extrême périphérie mais qui, de là, attire tout le monde. Ecouter ce qu’il dit, entendre sa voix (comment est-elle sa voix : forte ? douce ? tonitruante ?) Il annonce quelqu’un qui est plus fort que lui.
- Regarder Jésus. Voir sa démarche de se faire lui aussi baptiser. N’est-ce pas étonnant ? (Marc a dit auparavant « ils se faisaient baptiser en confessant leurs péchés »). Rester sur cet engagement de Jésus à rejoindre son peuple qui se reconnaît pécheur.
- Ecouter la voix qui vient des cieux (comment est-elle, cette voix : forte ? douce ? etc.). Elle dit « Tu es mon Fils bien-aimé ; en toi, je trouve ma joie ». Rester là-dessus. La voix s’adresse à Jésus, laisser résonner « tu es mon Fils bien-aimé ». Ecouter la voix qui dit sa joie. Là aussi, laisser résonner.
Messe du 20 décembre
Annonciation, Filippo Lippi, Palazzo Barberini
Evangile de Jésus Christ selon saint Luc (Lc 1, 26-38)
En ce temps-là, l’ange Gabriel fut envoyé par Dieu dans une ville de Galilée, appelée Nazareth, à une jeune fille vierge, accordée en mariage à un homme de la maison de David, appelé Joseph ; et le nom de la jeune fille était Marie.
L’ange entra chez elle et dit :
« Je te salue, Comblée-de-grâce, le Seigneur est avec toi. »
À cette parole, elle fut toute bouleversée, et elle se demandait ce que pouvait signifier cette salutation.
L’ange lui dit alors :
« Sois sans crainte, Marie, car tu as trouvé grâce auprès de Dieu.
Voici que tu vas concevoir et enfanter un fils ; tu lui donneras le nom de Jésus.
Il sera grand, il sera appelé Fils du Très-Haut ; le Seigneur Dieu lui donnera le trône de David son père ; il régnera pour toujours sur la maison de Jacob, et son règne n’aura pas de fin. »
Marie dit à l’ange :
« Comment cela va-t-il se faire, puisque je ne connais pas d’homme ? »
L’ange lui répondit :
« L’Esprit Saint viendra sur toi, et la puissance du Très-Haut te prendra sous son ombre ; c’est pourquoi celui qui va naître sera saint, il sera appelé Fils de Dieu.
Or voici que, dans sa vieillesse, Élisabeth, ta parente, a conçu, elle aussi, un fils et en est à son sixième mois, alors qu’on l’appelait la femme stérile.
Car rien n’est impossible à Dieu. »
Marie dit alors :
« Voici la servante du Seigneur ; que tout m’advienne selon ta parole. »
Alors l’ange la quitta.
Commentaire du Père Miguel Roland-Gosselin sj
À quelques jours de Noël, l’Église choisit dans les Écritures quelques pages qui nous ferons mieux entrer dans l’intelligence du mystère. Je dis « mystère », parce le mot m’est soufflé par la deuxième lecture : « révélation d’un mystère gardé depuis toujours dans le silence, mystère maintenant manifesté…, mystère porté à la connaissance de toutes les nations pour les amener à l’obéissance de la foi… » Quand vous entendez dans le vocabulaire chrétien le mot « mystère », ne pensez pas « mystère et boule de gomme », pensez : bonne nouvelle qui se découvre enfin, et qui n’aura jamais fini de nous émerveiller de plus en plus. Depuis la nuit des temps Dieu a un projet, un immense désir pour l’homme et pour la création, et au matin de Noël ce projet va enfin venir au jour. Ce projet-désir-promesse, cette bonne nouvelle qui travaille en secret l’humanité depuis les origines, c’est le Christ. Quand les temps étaient mûrs, Dieu a préparé une belle humanité digne d’accueillir le Christ. Pour que la promesse puisse éclore, il lui fallait une terre favorable ; c’est la foi de Marie.
Et puisqu’il s’agit de contempler aujourd’hui ce « mystère gardé depuis toujours dans le silence », puisque nous méditons sur la longue germination du Christ qui s’annonce depuis les origines, l’Église est allé chercher dans les Écritures un autre récit d’Annonciation, dans les temps reculés. Bien avant Marie, le roi David reçut lui aussi la visite d’un messager – c’est le prophète Nathan –, lequel messager (en grec cela se dit « ange ») lui promet une descendance, une descendance royale. Et Dieu dit : « Je serai pour lui un père ; et lui sera pour moi un fils ». S’agissait-il déjà de Jésus ? En un sens, oui. En ce sens que Dieu prend en charge la royauté de David, son peuple d’Israël, sa ville de Jérusalem, le Temple que bâtira son fils Salomon ; tout cela servira à la germination du Christ. Tout dans l’histoire humaine est préparatif ; dès lors qu’un homme, comme David, met sa confiance en Dieu, il contribue à la naissance du Christ. Jusqu’au jour où, à l’heure choisie par Dieu, le Christ viendra au monde, accueilli par la foi parfaite de Marie. (Et l’évangéliste Matthieu ajoutera : accueilli aussi par la belle foi de Joseph.)
Et ce long travail de préparation, est-il maintenant fini ? N’y a-t-il plus rien à attendre, maintenant que le Christ est venu au monde ? Bien sûr que si, il reste à attendre ; l’histoire n’est pas finie. Rappelez-vous que le dernier mot de la Bible sera : « Viens, Seigneur Jésus ! » Et d’Avent en Avent, de Noël en Noël, nous n’en finirons pas, et de célébrer l’événement unique de l’Incarnation du Verbe, et d’espérer qu’il prenne peu à peu sa pleine mesure en nous. Nous espérons que cet événement, de mieux en mieux, prenne corps en nous. Le long et mystérieux travail que Dieu opère depuis toujours pour faire advenir le Christ, il l’opère en nous – c’est l’œuvre de l’Esprit – pour que nous devenions chrétiens. Et pour que l’Église devienne de mieux en mieux ce qu’elle est, le corps du Christ. Ce travail, c’est la foi. « Il est grand, le mystère de la foi. » Les belles œuvres que Dieu a faites par la foi de David, l’œuvre immense et unique qu’il a faite par la foi de Marie, il continue de les faire, pour le monde d’aujourd’hui, par notre propre foi. Par notre confiance en lui.
Un court instant je vois l’étonnant contraste entre l’immensité du monde, son bruit et ses chahuts, et le calme tranquille d’une maison de Nazareth.
Je demande une grâce : Viens, Jésus sauveur !
1/ Je regarde l’humanité en quête de salut. L’humanité des temps bibliques ; je survole Abraham, David, les prophètes…, quelques figures de l’humanité en quête du Christ. Et l’humanité d’aujourd’hui : Asie, Amérique, Afrique, Europe ; tant de beautés et tant de folies… J’appelle l’Esprit pour que naisse le Christ.
2/ Marie à Nazareth. La longue course de l’Esprit vient s’arrêter sur elle, Dieu se pose sur Marie et je me repose auprès d’elle : Marie de l’Annonciation, Marie à quelques jours de Noël. Je lui demande de m’inviter dans sa foi-confiance.
3/ Enfin je m’offre à Dieu. Je m’offre pour que Jésus me saisisse, que son évangile naisse en moi, que je porte dignement le nom du Christ. Et je prie pour l’Église, afin qu’elle soit son corps, sa présence sensible dans le monde d’aujourd’hui.
Messe du 13 décembre
La prédication de Jean Baptiste, Domenico Ghirlandaio
Evangile de Jésus Christ selon saint Jean (Jn 1, 6-8.19-28)
Il y eut un homme envoyé par Dieu ; son nom était Jean. Il est venu comme témoin, pour rendre témoignage à la Lumière, afin que tous croient par lui. Cet homme n’était pas la Lumière, mais il était là pour rendre témoignage à la Lumière.
Voici le témoignage de Jean, quand les Juifs lui envoyèrent de Jérusalem des prêtres et des lévites pour lui demander : « Qui es-tu ? »
Il ne refusa pas de répondre, il déclara ouvertement : « Je ne suis pas le Christ. »
Ils lui demandèrent : « Alors qu’en est-il ? Es-tu le prophète Élie ? »
Il répondit : « Je ne le suis pas.
– Es-tu le Prophète annoncé ? »
Il répondit : « Non. »
Alors ils lui dirent : « Qui es-tu ? Il faut que nous donnions une réponse à ceux qui nous ont envoyés. Que dis-tu sur toi-même ? »
Il répondit : « Je suis la voix de celui qui crie dans le désert : Redressez le chemin du Seigneur, comme a dit le prophète Isaïe. »
Or, ils avaient été envoyés de la part des pharisiens.
Ils lui posèrent encore cette question : « Pourquoi donc baptises-tu, si tu n’es ni le Christ, ni Élie, ni le Prophète ? »
Jean leur répondit : « Moi, je baptise dans l’eau. Mais au milieu de vous se tient celui que vous ne connaissez pas ; c’est lui qui vient derrière moi, et je ne suis pas digne de délier la courroie de sa sandale. »
Cela s’est passé à Béthanie, de l’autre côté du Jourdain, à l’endroit où Jean baptisait.
Commentaire du Père Claude Philippe sj
Comme dimanche dernier, nous suivons Jean Baptiste près du Jourdain. Mais, cette fois-ci, il n’est pas présenté comme un prédicateur courageux invitant à la conversion ou un baptiseur attirant une grande foule, non, c’est une simple voix…
Jean est annoncé comme « témoin ».
Vous l’avez peut-être noté, notre passage comprend quatre fois les mots « témoins » ou « témoignage » en seulement trois phrases. L’évangéliste insiste ici lourdement pour aider l’auditeur inattentif.
Mais de quel genre de témoin s’agit-il ? Le mot grec, martýria, traduit ici par témoin appartient au langage juridique du procès.
Car s’ouvre devant nous un procès, un grand procès. On ne le sait pas encore, mais il s’agit du procès entre Dieu et le monde, qui refuse Dieu. Mais n’avançons pas trop vite ! Les pièces du dossier seront fournies au fur et à mesure de l’Evangile de Jean…
Il y a d’un côté, un témoin, Jean, et de l’autre, des prêtres et de lévites qui représentent le monde du Temple et son culte.
Jean est « envoyé par Dieu ». Il est du camp de Dieu. Il est envoyé « afin que tous croient par lui ». Sa mission de susciter une rencontre entre Dieu et l’homme.
Les autres sont « envoyés » par les autorités religieuses de Jérusalem. Ce sont comme des enquêteurs.
Ils posent une première question à Jean : « qui es-tu ? ». Cette question est juste. Il est normal de connaitre, à minima, le témoin, pour savoir d’où il vient et s’il est crédible.
Jean déclare tout d’abord qu’il n’est pas le Messie. Il n’est pas non plus Elie ni le Prophète. Rappelons qu’à cette époque, l’attente du Messie était vive et les Juifs pensaient qu’elle serait précédée – ou même se réaliserait – par le retour d’Elie ou la venue du Prophète, annoncé dans le livre du Deutéronome, qui prendrait le relais de Moïse[1].
Les enquêteurs imposent leurs catégories mentales : le Messie, Elie ou le Prophète. Nous n’avons pas l’impression qu’ils aient l’intention de bouger ou de devenir des disciples. Mais ils posent une nouvelle question car ils doivent donner une réponse à leur commanditaire : « Qui dis-tu de toi-même ? »
Jean Baptiste répond maintenant en citant Isaïe : « je suis la voix de celui qui crie dans le désert ». Jean ne décline pas une identité, mais il se définit comme une voix, et une voix qui désigne quelqu’un d’autre. Il ne veut pas que l’on s’arrête à lui mais il aspire à ce que l’on s’oriente vers le Seigneur.
Après la question sur l’identité, les Pharisiens l’interrogent sur le pourquoi du baptême. Là aussi, Jean répond brièvement le concernant. Il ne ramène pas à lui. Il n’est pas centré sur lui-même.
Il admet qu’il baptise dans l’eau, puis de nouveau, il porte son attention sur le Messie.
Il a l’audace de dire qu’« au milieu de vous se tient celui que vous ne connaissez pas ».
C’est l’Esprit qui lui souffle cela. Jean est totalement à son écoute et il a la conviction intérieure de la venue imminente du Messie.
Il a une familiarité authentique avec Dieu. Il est connecté avec Dieu, si on peut dire.
Comme Marie, son cœur est disposé à accueillir le Seigneur.
Car pour connaitre, pour rencontrer quelqu’un, le cœur doit être disposé.
Ce n’est pas le cas des enquêteurs. Ils ne sont pas prêts à accepter ce qui sort de leurs schémas. Le cerveau fonctionne probablement bien, mais le cœur est comme oublié. Ils ne se laissent pas rejoindre dans tout leur être.
A la fin de notre passage, et c’est intéressant de le noter en ce temps de l’Avent, Jean-Baptiste demeure toujours en veille…
Alors, en ce temps d’attente, écoutons le témoignage de Jean.
Que nous nous décentrions de nous-même pour accueillir celui qui vient nous rejoindre, nous sauver, nous relever, nous inviter à partager sa joie.
Que grandisse notre désir d’accueillir celui que notre cœur attend.
[1] Cf Xavier Léon-Dufour, Lecture de l’Évangile selon Jean, I, p 157.
Je me demande la grâce de me préparer à accueillir le Seigneur
« Il est venu comme témoin »
Jean a reçu la mission de « rendre témoignage à la lumière, afin que tous croient par lui ». Considérer comment Jean se positionne. Il ne se met pas en avant et est au service de sa mission. Quels ont été (sont) les témoins de Dieu dans ma vie ? Quels gestes ou paroles m’ont particulièrement touché ? Rendre grâce.
« Les Juifs lui envoyèrent de Jérusalem des prêtres et des lévites pour lui demander : « Qui es-tu ? » »
Regarder Jean, puis les prêtres et les lévites. Ecouter leurs échanges. Quelles sont leurs attentes ? Quels sont leurs désirs ? Quelle est ma soif ? En parler au Seigneur.
« Je ne suis pas digne »
Entendre ces paroles pleines d’humilité de Jean. Il sait qu’il n’est qu’un passeur. Il propose un baptême dans l’eau pour préparer intérieurement à la venue du Seigneur. Il accomplit avec confiance, audace et modestie ce à quoi l’invite l’Esprit. Il est aussi en situation d’attente… Comment puis-je me préparer à accueillir le Seigneur ?
Messe du 6 décembre
Arcabas, Jean le Baptiste
Evangile de Jésus Christ selon saint Marc (Mc 1, 1-8)
Commencement de l’Évangile de Jésus, Christ, Fils de Dieu.
Il est écrit dans Isaïe, le prophète :
Voici que j’envoie mon messager en avant de toi, pour ouvrir ton chemin.
Voix de celui qui crie dans le désert : Préparez le chemin du Seigneur, rendez droits ses sentiers.
Alors Jean, celui qui baptisait, parut dans le désert.
Il proclamait un baptême de conversion pour le pardon des péchés.
Toute la Judée, tous les habitants de Jérusalem se rendaient auprès de lui, et ils étaient baptisés par lui dans le Jourdain, en reconnaissant publiquement leurs péchés.
Jean était vêtu de poil de chameau, avec une ceinture de cuir autour des reins ; il se nourrissait de sauterelles et de miel sauvage.
Il proclamait :
« Voici venir derrière moi celui qui est plus fort que moi ; je ne suis pas digne de m’abaisser pour défaire la courroie de ses sandales. Moi, je vous ai baptisés avec de l’eau ; lui vous baptisera dans l’Esprit Saint. »
Commentaire du Père Nicolas Rousselot sj
Chers amis je voudrais avec vous méditer le premier chapitre de st Marc, versets 1 à 8, pour ce deuxième dimanche de l’Avent.
Je voudrais d’abord faire un peu de géographie. C’est très intéressant, parce que là où Jean-Baptiste se trouve, il est au sud du Jourdain, tout près de la Mer morte. Il est exactement là où le prophète Elie a fait son départ vers Dieu – on le voit au second livre des Rois. Et l’on croit jusqu’au temps de Jésus que ce fameux prophète Elie doit revenir. C’est pour cela à mon avis que Jean-Baptiste est présenté dans l’Evangile vêtu comme Elie, avec un manteau en poil de chameau.
C’est aussi le sens du désert. Jean-Baptiste est bien en terre promise, mais cette terre promise est devenue malheureusement un désert. C’est-à-dire que le peuple a trahi l’Alliance. Et on voit Jean-Baptiste manger. Il mange des sauterelles parce qu’il est encore dans le désert, le lieu finalement de la désobéissance. Mais il mange aussi du miel : il est quand même en terre promise. Vous vous rappelez, cette terre où coule le lait et le miel : le lait, c’est ce qui nous est donné par les animaux ; le miel aussi, par les abeilles, ainsi que par la végétation. Ce sont les deux dons qui nous sont faits parce que l’homme pour les produire ne fait que les récolter.
Le deuxième point, qui est aussi passionnant, c’est qu’avant le prophète Elie, ce lieu précis est l’endroit où est arrivé le peuple de Dieu venant d’Egypte, à la fin de l’Exode. C’est là exactement l’endroit où il est entré en terre promise. C’est l’apôtre Jean qui dans son Evangile nous dit que Jean baptisait à Béthanie, au-delà du Jourdain. Là aussi, il faut lire toutes les indications : c’est bien « au-delà » du Jourdain, de l’autre côté. Comme si Jean baptisait à l’endroit où le peuple n’était pas encore entré en terre promise. Il y a là une signification théologique très intéressante : Jean-Baptiste nous dit : « il faut repartir au point zéro, au point de départ. Il faut repasser le Jourdain. » D’où la question du baptême.
Et c’est mon troisième point. Qui serait plutôt un point d’histoire. Jean-Baptiste est en train de proposer, d’inviter, à plonger – c’est le mot baptizein. À plonger dans le Jourdain une deuxième fois. Et on se demande : mais que fait Jean-Baptiste dans cet endroit si chaud, si brûlant du désert ? Pourtant il est le fils d’un prêtre, le fils de Zacharie, il devrait se trouver au temple… Eh bien il faut savoir qu’à ce moment-là, dans l’histoire d’Israël, il y a eu une grande crise. Il y avait à ce moment beaucoup de rites de purification : il y avait les fameux moines de Qumran qui n’étaient pas très loin ; et aussi beaucoup d’autres rites. Pourquoi ? Parce que le temple ne remplissait plus son office. Le temple semblait corrompu, et c’est pour cela que les gens revenaient au désert et faisaient des purifications. Non seulement des purifications rituelles, mais aussi – on le voit chez Jean-Baptiste – de vraies purifications. Mais entre ces purifications qui existaient dans le Peuple de Dieu et celle qu’accomplit Jean-Baptiste, il y a une grande différence qu’il faut noter.
En effet les rites se répétaient sans cesse. Or là, on a vraiment l’impression que Jean-Baptiste offre un seul baptême. Habituellement les rites de purification, on les fait soi-même – un peu comme avant le covid on prenait de l’eau dans le bénitier avant d’entrer dans une église. Mais là, c’est un autre qui nous plonge dans l’eau. Il s’agit un baptême individuel, alors que souvent les rites sont collectifs. Pour conclure, on peut dire que Jean-Baptiste propose aux gens un acte quasi sacramentel. Et il nous est dit que les gens, en étant baptisés, confessaient les péchés à voix haute. Comme finalement le jour du Yom Kippour, vous vous rappelez, ce jour du grand pardon où tout Israël se met en pénitence et confesse les péchés. Or là il est bien dit : « ils se faisaient baptiser par lui en confessant leurs péchés ». Comme si tout ce qui est prévu au temple ne marchait plus. Et l’on a l’impression que Jean-Baptiste est le prêtre d’un nouveau culte qui supplante celui du temple ; il invite à une nouvelle manière de prier. On quitte la purification rituelle et on demande la vraie purification du cœur.
Et je vous donne un dernier point : c’est que Jean-Baptiste dit : « mon baptême est très important, il est quasi sacramentel… mais je vous annonce un baptême plus fort. Un baptême dans l’Esprit Saint. » Et à cet endroit il y a le coup de la sandale. Ce coup de la sandale vous semble peut-être anodin, mais pour moi il est extrêmement fort. Pourquoi ? D’abord parce qu’on va le retrouver en Matthieu, en Luc, mais aussi en Saint Jean, et aussi dans les Actes des Apôtres – cette mention que Jean-Baptiste a dit : « je ne suis pas digne de dénouer la courroie de ses sandales ». Ça semble un détail, mais ça a une grande importance. Parce que nous savons maintenant que les rabbins engageaient des disciples – plutôt, les disciples demandaient aux rabbins, comme on demande à quelqu’un d’être pris en charge dans la rédaction d’une thèse ; et les rabbins demandaient en compensation : « oui, je vais t’apprendre la Torah, mais tu vas être à mon service. Tu vas faire mon linge, tu vas faire ma cuisine, tu vas nettoyer ma maison, etc. » Mais il y a une chose que la Torah interdisait de faire : c’est que les disciples déchaussent le maître, et notamment lui lavent les pieds. Et pourquoi ne pas dénouer la courroie des sandales du maître, du rabbin ? Parce qu’à ce moment-là je vais me mettre à genou. Et il ne faut surtout pas que je considère le rabbin comme Dieu. Dieu est Dieu. Et mon rabbin est peut-être génial… mais il est seulement mon rabbin. Or dans cet épisode, ce qui est formidable, c’est que Jean-Baptiste nous dit trois choses. Il dit : il vient derrière – mais il vient avant moi, et je suis derrière lui. Je suis son disciple. Mais non seulement je ne ferai jamais le dénouement de sa sandale, non seulement, deuxième chose, je pourrais à la limite délier la courroie parce que je peux vraiment me mettre à genou devant lui… mais troisième chose je ne suis pas même digne de défaire la courroie de ses sandales. On voit là que Jean-Baptiste a une image extrêmement profonde de celui qui va venir, du Messie attendu.
Je vous propose pour conclure quelques points pour la prière :
Tout d’abord, entendez la parole d’Isaïe que reprend Jean-Baptiste. Entendez-la en ce temps d’Avent : « préparez les chemins du Seigneur ». Comment se préparer ? St Ignace va nous dire : « comment se disposer ? ». Il faut d’abord faire silence. Me mettre en état d’écoute. Et puis me rendre disponible, c’est-à-dire prendre du recul par rapport à toutes les réalités auxquelles je suis attaché. Ma famille, mon travail, mes relations, peut-être ma relation privilégiée. Par rapport à ce que je veux faire. Mais plus exactement, prépare-toi, dispose-toi.
Mais j’entends aussi un autre mot, une autre injonction, dans la parole de Jean-Baptiste : reviens. Reviens au point de départ. Reviens au-delà du Jourdain. Reviens à ton baptême. Et prends quelque temps pour te demander : quelle direction est-ce que vraiment je veux donner à ma vie ? Quelles sont mes priorités ? Qu’est-ce que je veux changer ? Et là ce ne sera pas du volontarisme, parce que je vais en demander la grâce : une grâce d’intelligence, pour bien voir ce que je dois changer dans ma vie, et une grâce de force, pour pouvoir l’accomplir.
C’est ce que je souhaite à chacun de vous. Amen.
[La version audio des pistes de prière se trouve à la fin du commentaire audio.]
Je peux demander la grâce au Seigneur de me préparer à sa venue, et de me laisser déplacer par lui.
1) Entendre en ce temps de l’Avent la parole d’Isaïe, que reprend Jean-Baptiste. « Préparez les chemins du Seigneur ». Prendre le temps de l’écouter, et de me rendre disponible, de prenant du recul par rapport à tout ce à quoi je suis attaché : ma famille, mes relations privilégiées, mon travail, mes projets, etc..
2) Entre un autre appel dans la parole du Baptiste : « reviens. Reviens au-delà du Jourdain. Reviens à ton baptême ». Prendre le temps de me demander : quelle direction est-ce que vraiment je veux donner à ma vie ? Quelles sont mes priorités ? Qu’est-ce que je veux changer ?
3) En demander la grâce au Seigneur : grâce d’intelligence, pour bien voir ce que je dois changer dans ma vie, et grâce de force, pour pouvoir l’accomplir.
Messe du 29 novembre
Evangile de Jésus Christ selon saint Marc (Mc 13, 33-37)
En ce temps-là, Jésus disait à ses disciples :
« Prenez garde, restez éveillés : car vous ne savez pas quand ce sera le moment.
C’est comme un homme parti en voyage : en quittant sa maison, il a donné tout pouvoir à ses serviteurs, fixé à chacun son travail, et demandé au portier de veiller.
Veillez donc, car vous ne savez pas quand vient le maître de la maison, le soir ou à minuit, au chant du coq ou le matin ; s’il arrive à l’improviste, il ne faudrait pas qu’il vous trouve endormis.
Ce que je vous dis là, je le dis à tous : Veillez ! »
Commentaire de soeur Bénédicte Barthalon, soeur auxiliatrice
Aujourd’hui, nous sommes le premier jour de l’année liturgique, premier dimanche de l’Avent. Le passage de l’évangile de Marc qui nous est proposé se situe à la fin d’un chapitre dédié à l’annonce des derniers temps, à l’attente du Messie. Quoi de plus étonnant que de parler des derniers temps au moment où on se prépare à la venue au monde d’un enfant à Noël ? Avec ces textes, la liturgie nous propose d’inclure dans une même attente, l’attente de l’incarnation de Jésus et son retour à la fin des temps. Contempler le Christ qui est, à la fois déjà venu, déjà là, et pas encore, celui dont nous attendons le retour.
Comme dans la parabole des talents, entendue il y a 2 semaines, Jésus nous parle d’un homme : il est « parti en voyage : en quittant sa maison, il a donné tout pouvoir à ses serviteurs, fixé à chacun son travail, et demandé au portier de veiller. » Cet homme fait une confiance complète à ses serviteurs, il leur donne tout pouvoir, il leur laisse une grande liberté. Il s’absente et les laisse seuls mais bonne nouvelle, il reviendra. La seule chose que nous savons sur son retour, c’est qu’il vient « à l’improviste », « vous ne savez pas quand ce sera le moment », « le soir ou à minuit, au chant du coq ou le matin ». Il les prépare à son absence et à son retour en leur donnant une seule consigne, très large, qui peut nous sembler vague. Il leur demande de veiller, de se tenir prêt pour son retour.
« Veillez ». Déployons un peu les sens que peut prendre cet appel pour nous aujourd’hui.
Veiller, c’est « comme le veilleur qui attend l’aurore », rester éveillé, ne pas s’endormir, guetter, regarder, attendre la lumière qui va jaillir des ténèbres, la vie qui va surgir. C’est garder le cœur en attente de la rencontre, désireux d’accueillir celui qui va venir, être attentif(ve) aux signes de sa présence…
Veiller, c’est veiller sur un enfant, veiller sur un malade, veiller sur une personne que l’on aime, comme un berger veille sur ses brebis, c’est une manière de prendre soin : Être là, présence fraternelle, aimante, présence d’humanité. C’est rejoindre nos frères et sœurs en humanité, ceux et celles dont nous parlait la parabole du jugement dernier : les malades, les prisonniers, les étrangers, ceux qui ont faim, soif…
Veiller, c’est prendre soin des biens confiés par le Seigneur : Le maitre a donné tout pouvoir, fixé à chacun son travail, comme le Créateur qui confie à l’homme sa création pour la cultiver et la garder, la faire fructifier, nous invitant à être co créateurs avec Lui.
Veiller, cela peut aussi être une attitude spirituelle. Evagre le Pontique, un moine du désert au IVème siècle l’a exprimé dans une formule savoureuse :
« Sois le portier de ton cœur et ne laisse aucune pensée
entrer sans l’interroger ; interroge-les une à une, dis à chacune :
« Es-tu de notre parti ou du parti des adversaires ? » (Jos. 5, 13).
Et si elle est de la maison, elle te comblera de paix ;
si elle est de l’adversaire, elle t’agitera de colère ou te troublera. »
« Sois le portier de ton cœur » : Cette pensée qui m’habite, vers où m’entraine-t-elle ? Autrement dit, provoque-t-elle en moi un mouvement profond d’ouverture à Dieu et aux autres, de décentrement de moi-même, un désir d’aimer, de me faire proche de l’autre, ou bien me conduit-elle à me fermer, à me centrer sur moi-même, à m’isoler, à m’enlever des forces pour aimer… ? Dans ces temps difficiles, nous sommes plus que jamais invité(e)s à la vigilance pour nous laisser mener par l’Esprit.
Avec Marie, nous pouvons aussi veiller comme une mère attend son enfant. Comme une femme enceinte veille sur la vie en elle, elle est en attente de la vie qui va jaillir, une vie fragile, discrète, parfois invisible. Et cette attente est pleine d’une promesse et d’une espérance. Elle se réjouit et se prépare. Oui, le Seigneur vient parmi nous, et c’est une Bonne Nouvelle, il ose nous rejoindre au cœur même de notre humanité en travail d’enfantement. Alors veillons, tenons bon dans l’espérance que la vie est plus forte que la mort. Le Seigneur vient, il est déjà à l’œuvre et nous accompagne.
Je me mets en présence du Seigneur. Il est là, il m’attend, me voici Seigneur.
Je demande une grâce : Seigneur, donne-moi d’entendre comment tu m’invite à veiller aujourd’hui ?
- « C’est comme un homme parti en voyage : en quittant sa maison, il a donné tout pouvoir à ses serviteurs, fixé à chacun son travail, et demandé au portier de veiller. »
Regarder cet homme, comment il laisse ses biens à ses serviteurs, comment il leur fait confiance, leur donne une grande liberté et « tout pouvoir » pour en prendre soin. Regarder les serviteurs qui reçoivent ces dons.
- « Prenez garde et restez éveillés », « Veillez »
Entendre cet appel, le laisser résonner en moi. Comment cela fait-il écho dans ma vie, dans mon quotidien ? Sur quoi ou sur qui est-ce que je me sens invité(e) à veiller ?
- « vous ne savez pas quand vient le maître de la maison »
Le Seigneur vient. Comme Marie dans l’attente de Jésus, je me laisse habiter par la promesse de vie, je regarde les signes de la présence du Seigneur qui sont déjà là dans mon quotidien, même fragiles ou ténus. Je me prépare le cœur.
A la fin de ce temps de prière, je confie au Seigneur ce qui habite mon cœur. Je lui parle comme un ami parle à son ami.
Messe du 22 novembre
Tympan de Notre Dame – Le jugement dernier
Evangile de Jésus Christ selon saint Matthieu (Mt 25, 31-46)
En ce temps-là, Jésus disait à ses disciples :
« Quand le Fils de l’homme viendra dans sa gloire, et tous les anges avec lui, alors il siégera sur son trône de gloire. Toutes les nations seront rassemblées devant lui ; il séparera les hommes les uns des autres, comme le berger sépare les brebis des boucs : il placera les brebis à sa droite, et les boucs à gauche.
Alors le Roi dira à ceux qui seront à sa droite :
‘Venez, les bénis de mon Père, recevez en héritage le Royaume préparé pour vous depuis la fondation du monde.
Car j’avais faim, et vous m’avez donné à manger ; j’avais soif, et vous m’avez donné à boire ; j’étais un étranger, et vous m’avez accueilli ; j’étais nu, et vous m’avez habillé ; j’étais malade, et vous m’avez visité ; j’étais en prison, et vous êtes venus jusqu’à moi !’
Alors les justes lui répondront :
‘Seigneur, quand est-ce que nous t’avons vu…? tu avais donc faim, et nous t’avons nourri ? tu avais soif, et nous t’avons donné à boire ? tu étais un étranger, et nous t’avons accueilli ? tu étais nu, et nous t’avons habillé ? tu étais malade ou en prison… Quand sommes-nous venus jusqu’à toi ?’
Et le Roi leur répondra :
‘Amen, je vous le dis : chaque fois que vous l’avez fait à l’un de ces plus petits de mes frères, c’est à moi que vous l’avez fait.’
Alors il dira à ceux qui seront à sa gauche :
‘Allez-vous-en loin de moi, vous les maudits, dans le feu éternel préparé pour le diable et ses anges.
Car j’avais faim, et vous ne m’avez pas donné à manger ; j’avais soif, et vous ne m’avez pas donné à boire ; j’étais un étranger, et vous ne m’avez pas accueilli ; j’étais nu, et vous ne m’avez pas habillé ; j’étais malade et en prison, et vous ne m’avez pas visité.’
Alors ils répondront, eux aussi :
‘Seigneur, quand t’avons-nous vu avoir faim, avoir soif, être nu, étranger, malade ou en prison, sans nous mettre à ton service ?’
Il leur répondra :
‘Amen, je vous le dis : chaque fois que vous ne l’avez pas fait à l’un de ces plus petits, c’est à moi que vous ne l’avez pas fait.’
Et ils s’en iront, ceux-ci au châtiment éternel, et les justes, à la vie éternelle. »
Commentaire du P. Xavier Léonard sj
L’évangile de ce dimanche met en scène un Christ roi qui juge et trie les hommes, mettant à droite les bons et à gauche les mauvais. Cette image se retrouve souvent sur les tympans de nos cathédrales. En terme de catéchisme nous avons une images simple et forte : les bons au paradis les mauvais en enfer. Mais cherche-t-on a nous faire peur pour éviter l’enfer ?
Ce simplisme est quelque chose qui m’a toujours posé question. La contemplation du texte m’a poussé à vérifier mes souvenir et quelques clics plus tard, mon écran d’ordinateur me montrait le tympan du jugement dernier de Notre Dame. Mes souvenirs n’étaient pas justes, et l’artiste qui a fait ce tympan a pris le temps de contempler avant de se mettre au travail. Faisons-lui justice et entrons nous aussi dans cette contemplation.
Les trois premiers versets mettent en scène le Fils de l’homme qui vient en gloire, avec tous ses anges et il s’assied sur un trône. Il vient pour séparer. C’est la première image. Ensuite, on entend qu’il le fait comme un berger sépare ses brebis de ses chèvres. Deuxième image qui est en contrepoint, puisque les bergers ne siègent pas sur des trônes, avec un tas d’anges à côté d’eux. Avec ces deux images, le récit de Matthieu cherche à se déployer, en image et contre image, pour éviter les malentendus.
Le récit de Matthieu nous donne une image et une contre image et le tympan de Notre Dame n’est pas en reste. Oui son trône est beau, oui les anges sont là, avec des priants à genoux pour le révérer, mais il est torse nu et à sa gauche se tient un ange qui soutient une croix. Ce n’est pas comme cela que je m’imaginais un roi d’où ma surprise. Ce fils de l’homme qui vient en gloire avec tous ses anges à quelque chose qui n’est pas du tout royal, a la manière des hommes. Entendre cette surprise permet au récit de devenir bonne nouvelle, de quitter nos préconçus pour se mettre à l’écoute de sa Parole.
Il est important de se laisser déplacer, décaler car la suite est encore plus surprenante. Notre juge, fait son tri et donne ses critères de sélections pour expliquer la sentence. Ses critères sont un renversement supplémentaire car celui qui avait faim, soif, devait être recueilli, était nu, malade et en prison, c’est le Christ lui-même. Techniquement parlant avant d’être sur son trône, il était tout en bas de l’échelle ! Tous ces dénuements, il les a vécus. Il y a donc une solidarité, une communion entre Christ et les petits. Oui la souffrance, que nous rappelle la croix tenue par l’ange, il la connaît. Le Christ n’est pas indifférent aux actes que nous posons pour construire notre monde. Car certains de ces actes font grandir la souffrance des petits et d’autres leur donne une place. J’ai envie de l’appeler le Solidaire, le « Avec » si vous me permettez cet abus de langage. C’est sur ces critères de solidarité que le Fils de Homme tranche.
La question des justes, qui désirent savoir comment ils ont fait pour valider les critères du Christ témoigne de leur surprise. Bonne surprise mais surprise tout de même. Dans leur chef, ils n’ont pas réalisé ces actes pour pouvoir être sauvés. Ils les ont posés car cela valait la peine et ils avaient envie de vivre ainsi. On est dans l’ordre du choix de vie, du style de vie et pas dans la todo list.
Le pape François, dans son encyclique Fratelli tutti, parle de gratuité qui accueille. Pour lui, c’est sortir du mercantilisme : tu me donnes, je te donne ainsi que je te donne, mais mon rendement sur investissement vaut la peine. On est alors dans un registre commercial, qui quand il domine nos vies, les transforme en un commerce anxieux (Fratelli tutti n° 140).
Le témoignage de la vie du Christ nous amène a pouvoir vivre un décentrement de nous-même pour entrer dans une relation plus juste. L’attention aux petits, qui sont incapables de rendre, montre bien que ce qui est gratuit à de la valeur. C’est une autre manière de vivre. L’ironie c’est que la peur du manque nous pousse à des manières de faire qui tuent plutôt qu’à des manières de faire qui nous permettent de vivre. Le témoignage du Christ est là pour nous rappeler que nous sommes faits pour la vie.
Demande de grâce : prendre davantage conscience de qui est ce Fils de l’homme pour moi.
1) Quand le Fils de l’homme viendra…
A quoi ressemble ce Fils de l’homme pour moi ? Est-ce celui du tympan de Notre Dame ? Est-ce une autre représentation que j’ai de lui ? Est-il imposant avec son trône et tous ses anges, ou plutôt berger en train de courir après ses moutons ?
2) Il placera les brebis à sa droite et les chèvres à sa gauche.
Est-ce que j’ai peur du jugement dernier ? Si oui, qu’est-ce qui me préoccupe ? Si non est-ce de l’indifférence ? Ou un « truc pas clair » ou que j’ai pas encore considéré ? Est-ce que je peux en parler dans la prière à mon Dieu.
3) Seigneur quand nous est-il arrivé de te voir affamé et de te nourrir ?
Laisser raisonner en moi cette bonne surprise. Quelles sont ces manières de faire qui sont en moi et que je retrouve dans l’évangile ?
Messe du 15 novembre
Evangile de Jésus Christ selon saint Matthieu (Mt 25, 14-30)
En ce temps-là, Jésus disait à ses disciples cette parabole :
« C’est comme un homme qui partait en voyage : il appela ses serviteurs et leur confia ses biens.
À l’un il remit une somme de cinq talents, à un autre deux talents, au troisième un seul talent, à chacun selon ses capacités.
Puis il partit.
Aussitôt, celui qui avait reçu les cinq talents s’en alla pour les faire valoir et en gagna cinq autres.
De même, celui qui avait reçu deux talents en gagna deux autres.
Mais celui qui n’en avait reçu qu’un alla creuser la terre et cacha l’argent de son maître.
Longtemps après, le maître de ces serviteurs revint et il leur demanda des comptes.
Celui qui avait reçu cinq talents s’approcha, présenta cinq autres talents et dit :
‘Seigneur, tu m’as confié cinq talents ; voilà, j’en ai gagné cinq autres.’
Son maître lui déclara :
‘Très bien, serviteur bon et fidèle, tu as été fidèle pour peu de choses, je t’en confierai beaucoup ; entre dans la joie de ton seigneur.’
Celui qui avait reçu deux talents s’approcha aussi et dit :
‘Seigneur, tu m’as confié deux talents ; voilà, j’en ai gagné deux autres.’
Son maître lui déclara :
‘Très bien, serviteur bon et fidèle, tu as été fidèle pour peu de choses, je t’en confierai beaucoup ; entre dans la joie de ton seigneur.’
Celui qui avait reçu un seul talent s’approcha aussi et dit :
‘Seigneur, je savais que tu es un homme dur :
tu moissonnes là où tu n’as pas semé, tu ramasses là où tu n’as pas répandu le grain.
J’ai eu peur, et je suis allé cacher ton talent dans la terre. Le voici. Tu as ce qui t’appartient.’
Son maître lui répliqua :
‘Serviteur mauvais et paresseux, tu savais que je moissonne là où je n’ai pas semé, que je ramasse le grain là où je ne l’ai pas répandu.
Alors, il fallait placer mon argent à la banque ; et, à mon retour, je l’aurais retrouvé avec les intérêts.
Enlevez-lui donc son talent et donnez-le à celui qui en a dix.
À celui qui a, on donnera encore, et il sera dans l’abondance ; mais celui qui n’a rien se verra enlever même ce qu’il a.
Quant à ce serviteur bon à rien, jetez-le dans les ténèbres extérieures ; là, il y aura des pleurs et des grincements de dents !’ »
Commentaire du P. Etienne Grieu sj
Avec cette page de l’Evangile selon st Matthieu, nous sommes dans les derniers chapitres de son Évangile (chap. 25, pour un texte qui compte 28 chapitres). Et nous sommes juste avant le récit de la passion (le chap. 26 commence en rapportant la décision des autorités de tuer Jésus). Ce texte nous est donc confié par l’évangéliste, comme rapportant les dernières paroles de Jésus, en finale de son enseignement, avant qu’il nous soit enlevé. Et ce sont des appels à veiller ; on l’a déjà entendu dimanche dernier avec la parabole des 10 jeunes filles et leur lampe à huile ; et on l’entendra encore dimanche prochain avec la parabole du jugement dernier.
Ce qui est nouveau dans le texte d’aujourd’hui par rapport à celui de dimanche dernier, c’est que l’appel à veiller se décline autrement : ce n’est pas seulement un appel à être prêt pour le retour du Seigneur, c’est aussi une invitation à une certaine manière d’agir et d’être, en l’absence du Seigneur.
La parabole d’aujourd’hui commence en présentant un homme qui s’en va. Il part en voyage et ce voyage doit durer longtemps et l’emmener très loin, de sorte que durant une longue période, il ne sera plus présent. Souvent nous éprouvons l’absence de Dieu, le silence de Dieu comme un drame, comme un abandon. Mais le texte d’aujourd’hui nous invite à en découvrir un autre aspect : ce retrait de Dieu, nous laisse sans personne pour nous surveiller, sans personne pour nous dire ce que nous devons faire. Voilà peut-être un aspect de la relation que Dieu entend avoir avec nous : un lien qui n’a rien d’infantilisant ; qui n’est pas toujours en train de nous dire ce que nous devons faire et ne pas faire. Avez-vous remarqué d’ailleurs ? Le maître, quand il s’en va, donne à ses serviteurs une somme énorme (un talent, c’est l’équivalent de 34 kg d’argent, des millions d’euros). Et il ne laisse aucune consigne. Rien. Il est étonnant ce maître ! Comment l’interpréter cette absence de consigne ? C’est là, justement que notre liberté est convoquée. Cette absence de consigne laisse la place à notre propre jugement : comment voyons-nous Dieu ? Comme un être irascible et très exigeant, qui ordonne de loin mais ne prend aucun risque et nous demandera des comptes ? C’est la vision qu’a l’homme qui part enfouir son talent. Il est pétrifié de peur. Au point qu’il en perd le bon sens. Le maître, à son retour, lui dira : « mais pourquoi n’as-tu pas pensé à cette chose si simple, de confier cette somme à un banquier ? » Mais il semble que cet homme, par son geste d’enfouir en terre le talent, a voulu ne plus rien avoir à faire avec lui, comme s’il le considérait comme quelque chose de mort, qu’on doit mettre définitivement hors de notre portée. Il a ainsi coupé les ponts avec son Seigneur, et celui-ci, ne pourra que reconnaître et entériner cette situation.
Mais les autres serviteurs, comment ont-ils reçu ces talents ? Ils les ont fait fructifier. Ça veut dire, ils ont pris des risques ; et surtout, ils ont considéré que ces talents étaient vraiment leurs ; sans quoi ils n’auraient pas osé les mettre en jeu.
Alors, la question du jour à 1000 euros (ou à 5 talents) : le maître a-t-il véritablement donné ces talents, ou bien les a-t-il simplement prêtés ? les serviteurs, emploient le terme « confier » (« tu m’avais confié cinq talents » ; le verbe grec pourrait se traduire aussi : tu m’avais remis ; tu m’avais transmis – comme on transmet un héritage – tu m’avais livré – c’est le même verbe qui est employé pour parler du Christ livré à ceux qui le mettront à mort) ; le maître, lui, dans la finale de la parabole, parle de « donner » (« tout homme à qui l’on donnera, il sera dans la surabondance »). Eh bien, je pense que les deux verbes se complètent bien : les talents que Dieu nous confie, c’est vraiment un don, un présent, qui nous est remis, et nous pouvons nous l’accueillir comme étant véritablement nôtre. Et en même temps, en employant le verbe « confier » ou « transmettre », les serviteurs soulignent qu’ils n’ont pas oublié que ce qu’ils ont, ils l’ont reçu d’un autre ; voire même, que ce présent porte la trace de Celui qui a livré sa vie pour nous, l’a véritablement donnée. Et puis, en employant ce verbe, ils ne s’installent pas dans l’imaginaire du propriétaire exclusif, car, se souvenant que ce don leur a été livré, ils pourront à leur tour le partager, le livrer eux-aussi, voire se livrer eux-mêmes.
Pour finir, je veux souligner une chose : à partir de cette parabole, nous pouvons voir autrement tout ce que nous faisons, toutes les activités qui sont les nôtres : tout cela est sous-tendu par le don de Dieu. Dès lors, nous pouvons vivre toutes ces activités comme autant de rendez-vous avec Lui. De même qu’on pense très souvent à un être cher quand il est loin de nous et que chaque geste que nous faisons peut faire signe de sa part, de même toute notre existence peut être habitée par cette présence de Dieu : ce n’est jamais une présence qui s’impose, mais c’est la présence du donateur, plus précisément, de celui qui donne la vie. Nous pouvons le retrouver comme tel, dans chacun de nos gestes qui prennent soin de cette vie.
Grâce demandée : prendre davantage conscience de tout ce que le Seigneur m’a donné.
- Rester sur cet homme qui est en train de donner ses talents (une somme considérable). Représentez-vous la scène ; quels sont les gestes et les attitudes des personnes, par quoi ils sont habités, chacun d’eux ?
- Regarder les serviteurs qui « aussitôt » vont faire fructifier ce qu’ils ont reçu ; là aussi, comment vous les représentez-vous ? Par quoi sont-ils habités ?
- Regarder le serviteur qui creuse la terre pour enfouir son talent. Et entendre l’explication qu’il donne (« j’ai eu peur »). Voir cet homme, entrer dans sa manière de réagir.
- Question : le maître a-t-il donné ces talents ou les a-t-il simplement prêtés ? Et pour vous-même : tous les talents que vous avez, comment les voyez-vous ?
Parlez librement avec le Seigneur, notamment à partir de ce dernier point ; n’hésitez pas à l’interroger, à lui demander de vous éclairer : que signifie le don que le Seigneur nous fait ?
Messe du 8 novembre
Evangile de Jésus Christ selon saint Matthieu (Mt 25, 1-13)
En ce temps-là, Jésus disait à ses disciples cette parabole :
« Le royaume des Cieux sera comparable à dix jeunes filles invitées à des noces, qui prirent leur lampe pour sortir à la rencontre de l’époux.
Cinq d’entre elles étaient insouciantes, et cinq étaient prévoyantes :
les insouciantes avaient pris leur lampe sans emporter d’huile,
tandis que les prévoyantes avaient pris, avec leurs lampes, des flacons d’huile.
Comme l’époux tardait, elles s’assoupirent toutes et s’endormirent.
Au milieu de la nuit, il y eut un cri :
‘Voici l’époux ! Sortez à sa rencontre.’
Alors toutes ces jeunes filles se réveillèrent et se mirent à préparer leur lampe.
Les insouciantes demandèrent aux prévoyantes :
‘Donnez-nous de votre huile, car nos lampes s’éteignent.’
Les prévoyantes leur répondirent :
‘Jamais cela ne suffira pour nous et pour vous,
allez plutôt chez les marchands vous en acheter.’
Pendant qu’elles allaient en acheter, l’époux arriva.
Celles qui étaient prêtes entrèrent avec lui dans la salle des noces, et la porte fut fermée.
Plus tard, les autres jeunes filles arrivèrent à leur tour et dirent :
‘Seigneur, Seigneur, ouvre-nous !’
Il leur répondit :
‘Amen, je vous le dis : je ne vous connais pas.’
Veillez donc, car vous ne savez ni le jour ni l’heure. »
Commentaire du P. Miguel Roland-Gosselin sj
Jeunes filles prévoyantes et jeunes filles insouciantes… L’âme pleine de sagesse qui pour rien au monde ne manquerait la venue du Fils de l’homme, ou l’âme flottante qui n’a pas pris les choses au sérieux et qui risque de le laisser passer… Les disciples de Jésus qui entendent cette parabole ont un imaginaire biblique suffisamment développé – et nous aussi, peut-être ? – pour saisir aisément de quelles « noces » il s’agit. L’époux, c’est le Messie annoncé, c’est celui qui viendra porter à son terme l’Alliance de Dieu avec l’humanité. Nous dirons : l’époux, c’est Jésus. Ou si vous voulez, c’est l’amour qui m’attend si j’accueille Jésus. Mon cœur est-il disposé pour l’accueillir ? Suis-je habité, oui ou non, par un grand désir d’accueillir dans mon existence le visage d’amour du Sauveur ? Si la Bible aime l’image des noces, si Jésus parle de la venue de « l’époux », c’est bien parce qu’il s’agit d’une affaire d’amour ; de laisser venir à soi Quelqu’un, une visite qui déploiera en nous la joie d’aimer.
Retournons au texte. Cinq demoiselles d’honneur ont donc rempli leurs lampes, tout ce qu’il faut pour attendre longtemps, et cinq autres n’ont aucune réserve. Que peut signifier cette image ? J’y vois une affaire de désir. Il y a celles dont le désir est ardent, inusable, et celles qui prennent les choses trop à la légère. Entendez ce que nous disait la première lecture : « La Sagesse se laisse trouver par ceux qui la cherchent. Elle devance leurs désirs… » Oui, elle viendra, la Sagesse ; il viendra le Christ qui unifie nos cœurs, mais encore faut-il que soit ardent notre désir. C’est par là que commence la vie spirituelle, quand nous laissons grandir et s’exprimer le meilleur de notre désir, quand nous laissons la Sagesse de Dieu creuser en nous une soif de vivre et d’aimer. Rappelez-vous la fréquente insistance de Jésus : « Que désires-tu ? » « Que cherchez-vous ? » Cinq des jeunes filles de la parabole n’étaient pas mûres encore pour un vrai désir. Cela pourra faire notre premier point de prière. De quoi ai-je soif aujourd’hui ? Pour quelles affaires suis-je capable de me mobiliser franchement ? Accueillir Jésus dans ma vie, me plier à la sagesse évangélique, est-ce pour moi un authentique désir ?
J’observe ensuite une curiosité qui mérite un peu d’attention : « Comme l’époux tardait, dit Jésus, elles s’assoupirent toutes et s’endormirent. » Je n’entends là aucun reproche. Pourquoi Jésus signale-t-il fatigue et sommeil, sinon pour faire entendre que le temps est long ? Eh oui, le temps est long ! Ce fut d’ailleurs une épreuve qu’a traversée la première génération chrétienne : tiens, le salut n’est pas pour aujourd’hui ! La Parousie se fait attendre. La résurrection de Jésus n’a pas mis un terme aux souffrances qui continuent, à l’insatisfaction inquiète de tant de gens, à leur impatience aussi. Voilà un enjeu spirituel important : apprendre à attendre avec justesse. Les derniers mots de la parabole seront « Veillez donc ! » ; oui, mais pas d’une façon tendue et épuisante qui nous interdirait la confiance tranquille et reposée. Dieu n’exige pas que nous soyons sans cesse sur le qui-vive. Faire de mon mieux, pousser mon désir aussi loin que je peux, et m’en remettre paisiblement à Dieu : la sagesse évangélique est de ce côté-là, dans une certaine qualité d’attente qui s’appelle la foi. Notre prière pourrait porter quelques instants là-dessus, à contempler les jeunes filles prévoyantes qui dorment en paix, à demander pour soi et pour d’autres la grâce d’une foi qui donne le repos. Peut-être connaissons-nous des gens qui ont cette grâce-là, des gens brûlés d’ardeur et pourtant paisibles ; des sages, comme on les appelle.
Reste la phrase finale, cette sentence définitive : « Veillez donc, car vous ne savez ni le jour ni l’heure. » L’heure de quoi ? L’heure de la mort ? Ou l’heure de la vie, tout autant. L’heure de la rencontre heureuse, l’heure du pauvre qui frappera à la porte, l’heure du bien à faire et du bonheur à recevoir. Dieu aura au fil des jours mille façons de nous solliciter, mille façons de nous réveiller pour nous tirer plus loin. Le « Veillez donc » nous met en garde contre l’esprit de négligence ou de résignation. Il nous dit : « Tenez bon », et il nous lance en avant. Savez-vous quels seront les tout derniers mots des Écritures, ceux qui referment le livre de l’Apocalypse et la Bible tout entière ? C’est : « Viens, Seigneur Jésus ! » Voilà une belle manière de conclure notre prière : en nous adressant au Seigneur : « Viens, Seigneur Jésus ! » et en lui demandant de nous rendre très attentifs. Seigneur, aide-moi à ne pas manquer ta visite, à ne pas passer à côté de ta présence. Amen.
Préambules. Après avoir soigné la mise en présence de Dieu, je formule une demande de grâce. Par exemple : Seigneur, je voudrais que tu deviennes de mieux en mieux le but de mon existence, le fond de tous mes désirs. Ou bien : Seigneur, fais-moi grandir dans la foi.
1/ « Cinq étaient insouciantes, cinq étaient prévoyantes… » Je regarde ces dix jeunes filles, et je réfléchis. Leurs lampes plus ou moins remplies sont peut-être l’image d’un désir plus ou moins vif. Questions : quels sont mes désirs ardents ? Pour quelles affaires suis-je capable de me mobiliser franchement ? Ma vie est-elle tournée, oui ou non, vers la venue de Jésus ?
2/ Comme l’époux tardait, elles s’assoupirent toutes… J’imagine les jeunes filles prévoyantes qui dorment en paix, supportant paisiblement l’attente. J’ai une prière aussi pour tant de gens qui souffrent d’attentes insatisfaites. Pour elles, pour moi, je demande la grâce d’une foi-confiance qui donne le repos. Peut-être ai-je en tête le visage de quelques personnes qui ont cette grâce-là ; je les présente à Dieu.
3/ « Veillez donc, car vous ne savez ni le jour ni l’heure. » L’heure de quoi ? L’heure de la mort ? Ou l’heure de la vie, tout autant. L’heure de la rencontre heureuse, l’heure du pauvre qui frappera à la porte, l’heure du bien à faire et du bonheur à recevoir. J’offre à Dieu ma disponibilité pour ses visites quotidiennes.
Conclusion : Je peux m’adresser au Christ : « Viens, Seigneur Jésus ! »